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LA RÉPUBLIQUE


ET LES RÉPUBLICAINS




I.

Si cruelles que soient les circonstances que nous traversons, et qui resteront une des parties les plus sombres et les plus désolées de notre histoire, jamais la république n’avait rencontré une occasion si favorable à son établissement. En 1848, elle avait semblé à beaucoup de bons esprits inutile, inopportune, prématurée. Au mois de septembre 1870, si le parti qui avait pris le fardeau du pouvoir n’avait pas été précisément un parti, ce qui l’amenait fatalement à commettre des fautes irréparables, la république avait de grandes chances de prévaloir, je ne dis pas comme une forme absolue, définitive, imposée aux générations futures, mais comme une grande et sérieuse tentative de conciliation et de paix publique. L’accumulation même de nos infortunes ajoutait des chances à son succès en décourageant les prétendans. Une situation si triste suggérait aux bons citoyens le désir de faire cette fois l’expérimentation décisive de la seule institution qui n’ait pas été mise encore sérieusement à l’épreuve, et qui, peut-être plus heureuse que toutes les autres, marquerait une ère nouvelle, la fin de la révolution commencée en 1789, toujours reprise à divers intervalles et continuée jusqu’à nos jours. Après quatre ou cinq restaurations plus ou moins éphémères de tous les principes monarchiques connus, tous écroulés successivement dans l’espace d’une génération à laquelle aucun n’a eu la force de survivre, à ce moment de crise suprême et sous le coup des désastres sans nom qui nous accablent, quand tout est renversé, sauf l’image ensanglantée de la patrie, la république pouvait être, elle pourrait être encore la garantie de la dignité pour chacun, le salut de tous. En s’y prenant bien, simplement et honnêtement, on aurait