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l’ordre. Tant que le combat a duré, ceux qui ont été pris les armes aux mains ont subi naturellement la loi de la guerre. Nombre de chefs de la commune ont péri dans la lutte, d’autres ont été fusillés ; maintenant c’est la répression réglée par la justice qui commence ; elle a surtout à s’exercer à l’égard de cette foule de prisonniers amenés successivement à Versailles et expédiés soit dans les ports militaires, soit dans des forteresses. Quel sera le sort de tous ces hommes, parmi lesquels il y a des étrangers, des repris de justice, des insurgés irréconciliables, des égarés, même des innocens, et aussi des excitateurs de guerre civile, des journalistes de l’émeute qui ne sont pas les moins coupables ? La plupart appartiennent sans nul doute à la justice des conseils de guerre, qui prononcera sur eux. La loi leur sera appliquée, la loi tout entière, comme l’a dit le chef du pouvoir exécutif. Il ne s’agit pas seulement d’ailleurs de punir des coupables. Il est bien clair qu’en rentrant dans Paris le gouvernement a le devoir d’y assurer la paix par des mesures de prévoyance comme le désarmement universel qui vient d’être décrété, par une administration vigilante et ferme chargée de rétablir les conditions d’un régime régulier et efficace. En un mot, c’est toute une œuvre d’apaisement, de réparation et de protection qui commence en attendant qu’on puisse se mettre à relever les ruines accumulées par la dictature des incendiaires. Paris lui-même, Paris rendu à ses habitudes, à ses goûts et à la paix, tiendra sans doute à redevenir la ville la mieux faite pour personnifier l’unité française et pour recevoir les pouvoirs publics qui l’ont délivré.

Cette pacification de Paris, de la France elle-même livrée à toutes les influences contraires, c’est maintenant la tâche de ces pouvoirs qui sont à Versailles, et qui après la défaite de l’insurrection parisienne se trouvent aux prises avec d’autres embarras, en face d’une œuvre non pas aussi périlleuse, mais peut-être aussi difficile sous quelques rapports, la réorganisation du pays. Il était bien facile à prévoir que le jour où on aurait définitivement reconquis Paris les questions politiques renaîtraient à Versailles, les opinions diverses qui se partagent l’assemblée se remettraient en mouvement. Nous en sommes peut-être là aujourd’hui. Évidemment il y a dans l’air des émotions, des préoccupations et même des contradictions. Il y a surtout dans l’assemblée et dans tout ce qui l’entoure un certain malaise qui se traduit assez singulièrement par une sorte d’impatience ou une sorte d’attente de quelque incident qu’on appelle et qu’on redoute, qui peut éclaircir l’atmosphère, à moins qu’il ne serve à la troubler et à l’enflammer. Il faut sortir le plus tôt qu’on pourra de cette indécision qui n’a d’autre effet que de créer des agitations factices. Il faut savoir ce qu’on veut et ce qu’on peut.