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nouvelles bases sous la présidence d’un nouveau doyen, M. Naquet ; mais celui-ci eut la pudeur de ne pas s’en mêler, et les étudians eurent le bon sens de refuser le mandat de la commune. Ils n’en furent pas moins favorisés de la munificence des souverains de l’Hôtel de Ville, qui, par un décret du 28 avril, dispensèrent du diplôme de docteur ceux qui avaient subi leurs examens antérieurs à la thèse.

La commune n’a pas attendu un seul jour pour abolir l’armée permanente : encore une question qui sans doute, selon elle, ne regardait point la représentation nationale, et que chaque municipalité a le droit de trancher à sa guise ! La garde nationale, composée de tous les hommes valides, devait remplacer l’armée. Les décrets rendus à ce sujet furent les plus tyranniques ; tout homme, marié ou non, de 19 à 40 ans était tenu de s’enrôler dans les bataillons de marche, sous peine d’être condamné comme déserteur. Le décret sur les réfractaires fut d’abord le fait de l’autorité militaire, qui le mettait sous la sauvegarde des citoyens, autorisés à réquisitionner les combattans dans les maisons particulières et sur la voie publique ; mais le 27 avril la commune elle-même le visa, et en confia l’exécution à des commissions municipales.

Après l’armée, ce fut le tour de la justice. Sur ce point, la commune s’est surpassée. Le décret sur les otages suffirait à son immortalité. Elle décida que les citoyens suspects de connivence avec Versailles seraient incarcérés, puis comparaîtraient devant un grand jury d’accusation recruté dans la garde nationale, c’est-à-dire dans une seule opinion. Ce jury, après des débats contradictoires et l’audition des témoins, devait déclarer si l’accusé était ou non coupable sans avoir le droit d’admettre des circonstances atténuantes. Dans le cas d’un verdict défavorable, l’accusé rentrerait en prison pour être fusillé à la première condamnation capitale prononcée par le gouvernement de Versailles contre un communeux quelconque. Le grand jury d’accusation parut bientôt insuffisant, et une cour martiale composée de cinq juges militaires fut instituée. En vingt-quatre heures, elle faisait l’instruction, l’interrogatoire public, et bâclait l’arrêt, exécutoire immédiatement, excepté pour la peine de mort, qui devait être confirmée par la commune. Celle-ci décida ultérieurement que tous les arrêts seraient révisés par elle. Le pouvoir politique se substituait ainsi à la cour de cassation. Les délits ou crimes militaires ne rentraient pas seuls dans la compétence de la cour martiale ; tout ce qui « intéressait le salut public » était de son ressort, et le premier article de la loi faisait appel à la dénonciation. Le tribunal révolutionnaire de 1793, du moins avant la loi de prairial 1794, était un modèle d’équité, comparé à cette épouvantable institution : il donnait à l’inculpé le temps de connaître les