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Ces progrès remarquables de l’agriculture et de l’industrie, c’est-à-dire de la richesse publique, sont dus certainement en grande partie à l’intelligence des habitans ; mais quelle part n’y doit-on pas faire à l’administration française : En 1810, les chemins vicinaux en Alsace étaient dans le plus triste état ; sous administration de MM. de Lezay-Marnésia et Louis Sers, ils furent réparés et étendus : aucune province en Europe ne possède un système plus riche de voies de communication communales. En cinquante ans, l’état a doté l’Alsace d’une série de canaux qui sont une des grandes raisons de sa richesse ; aucune partie de la France sous ce rapport ne saurait se comparer à l’Alsace. Il suffit de rappeler le canal de la Marne au Rhin, celui du Rhône au Rhin, l’Ill canalisée, et surtout le canal des houillères de la Sarre, sans compter plus de quinze canaux de moindre importance et les beaux travaux pour l’endiguement du Rhin. En 1857, le Bas-Rhin avait 54 kilomètres de chemin de fer par 1 000 kilomètres carrés, tandis que dans toute la France la moyenne était de 12 kilomètres seulement. Depuis cette époque, grâce à l’initiative d’un préfet, M. Migneret, l’Alsace a construit des chemins de fer vicinaux à l’usage de l’agriculture. Des voies ferrées relient les principaux cantons qui ne sont pas placés sur les grandes lignes de communication. Le laboureur qui se rend le matin à son champ monte en wagon pour 15 ou 20 centimes, et fait ainsi en quelques minutes un trajet qui, à pied ou en voiture, lui eût demandé beaucoup de temps. On admettra aussi sans peine que le transport des produits agricoles est bien plus facile quand on charge dans la ferme même une marchandise qui ensuite, sans transbordement, peut être conduite aux destinations les plus lointaines.

Un arrêté de M. le comte de Bismarck-Bohlen, du 18 avril, rend l’instruction primaire obligatoire en Alsace. On ignore en général que l’obligation existait depuis dix-neuf ans dans un grand nombre de communes et pour toute une partie de la population dans les deux départemens. Le 12 octobre 1852 en effet, le consistoire de la confession d’Augsbourg avait décidé que tout enfant qui se présenterait au pasteur pour les cérémonies de la première communion devrait lui remettre un certificat attestant qu’il avait suivi durant deux années au moins les cours d’une école primaire, et qu’il savait lire et écrire. C’est par des mesures de ce genre que l’initiative individuelle peut devancer l’état et lui donner l’exemple. Dès 1798, l’administration du Bas-Rhin, par un arrêté que ratifia le ministère de l’intérieur, ordonnait à chaque parent de faire choix d’un maître pour ses enfans et de payer d’avance la rétribution scolaire fixée à 2 francs par trimestre[1]. Ce règlement tomba en désuétude ; les

  1. En 1768, une ordonnance semblable avait été rendue par la municipalité de Strasbourg, mais pour cette ville seulement.