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d’importance aux couleurs, et la défiance est très fondée quand il s’agit du noir et du blanc ; mais des individus d’âges différens ayant été pris, il demeure certain que le vêtement du fameux carnassier de Mou-pin est vraiment caractéristique[1]. Si l’animal qui a l’aspect et les proportions des ours appartenait réellement à ce genre de mammifères, l’acquisition d’une espèce ayant une physionomie aussi particulière présenterait déjà beaucoup d’intérêt ; mais ici la découverte est autrement précieuse : nous avons le représentant d’un type tout nouveau qui s’éloigne des ours par la conformation de la charpente osseuse et par la dentition, et se rapproche des ratons d’Amérique, et surtout du panda des montagnes de l’Asie centrale, dont la taille cependant ne dépasse guère celle des chats[2].

Plusieurs petits mammifères de l’ordre des insectivores habitent la sauvage région de Mou-pin, et quelques-uns d’entre eux présentent des formes qui jusqu’à présent étaient demeurées inconnues. C’est une taupe ayant un museau d’une extrême longueur, une sorte de musaraigne dont la queue est si rudimentaire qu’elle est entièrement cachée sous les poils ; un animal plus remarquable encore, possédant, avec les caractères les plus essentiels des musaraignes, des pattes postérieures élargies comme des palettes natatoires, et une longue queue comprimée latéralement, qui indiquent les habitudes aquatiques dont les desmans d’Europe offrent l’exemple[3]. Parmi les rongeurs, on distingue particulièrement un écureuil volant de très grande taille dont le pelage d’un roux vif est mélangé de blanc sur la tête et sur la poitrine[4]. Les sombres forêts du Thibet oriental sont le séjour de nombreux ruminans. La belle antilope à crinière n’est pas rare en ces lieux ; une autre espèce du même genre, voisine de l’antilope crépue, mais d’une dimension un peu plus forte et de teinte différente, vit dans la même région ; des cerfs de petite taille, appartenant à deux espèces distinctes, l’une ayant la robe brune, l’autre, plus mignonne, ayant la robe jaune et de longues cornes, errent à côté des antilopes. Les bœufs sauvages, que les habitans du Sse-tchuen avaient signalés, ne sont pas les hôtes les moins extraordinaires des montagnes de la principauté de Mou-pin. D’une physionomie fort différente de celle de nos bœufs et de la taille des yaks qu’on voit aujourd’hui

  1. L’ours blanc et noir a été nommé par M. Armand David Ursus melanoleucus, et la description de l’animal a été donnée dans les Archives du Muséum d’histoire naturelle, t. VI.
  2. C’est le genre Ailuropoda de M. Alphonse Milne Edwards.
  3. Ces animaux ont été décrits par M. Alphonse Milne Edwards sous les noms de Talpa longirostris, Anourosorex squammipes et Nectogale elegans.
  4. Pteromys alborufus.