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comme authentique le discours sur la paix. La critique de Denys d’Halicarnasse, grammairien instruit et consciencieux, mais dépourvu de goût et d’esprit, ne connaît guère d’autre criterium que le caractère du style, que la présence de tel ou tel mot qui lui paraît peu conforme aux habitudes des Attiques ; ici il ne nous donne pas ses raisons, mais elles étaient sans doute de cette nature. Quant aux modernes, il ne leur est point aisé de voir aucune différence entre le style de ce discours et celui des harangues dont la paternité n’est pas contestée à Andocide. Ce qui me frappe, c’est la parfaite exactitude de toutes les circonstances rappelées, de tous les faits invoqués par l’orateur. On y a relevé, il est vrai, d’assez nombreuses erreurs dans ce qu’il dit du passé d’Athènes ; mais quiconque a un peu fréquenté les orateurs attiques est habitué à ces libertés qu’ils prennent avec l’histoire. Pour ne parler que d’Andocide, il ne s’en est pas fait faute dans ses autres ouvrages. Le discours sur la paix, par le tableau qu’il nous trace de l’état où était alors la Grèce et par toutes les allusions qu’il contient aux incidens récens de la guerre contre Sparte, confirme tout ce que Xénophon et plusieurs plaidoyers contemporains nous apprennent de cette période. Un faussaire se serait trahi par quelque bévue, par quelque maladroite confusion, comme cela est arrivé à l’auteur du discours contre Alcibiade. le ton est bien d’ailleurs d’un politique, non d’un rhéteur. En l’absence de choquantes disparates de style, c’est là pour nous le vrai et sûr criterium.

Restent donc trois discours, séparas l’un de l’autre par un intervalle de quelques années, sur lesquels nous pouvons juger le talent et la manière d’Andocide. Le plus médiocre est certainement le plus ancien de tous, celui qu’il prononça vers 410 pour solliciter son rappel. L’exorde en est froid et embarrassé. Un peu plus loin, on rencontre de singulières subtilités, défaut qui est rare chez Andocide. Il y a dans la péroraison une certaine adresse, mais un peu basse et d’une humilité qui déplaît. En voulant éveiller la pitié, Andocide risque de soulever le dégoût.

De ce discours à celui des mystères, il y a un progrès sensible. Ce plaidoyer, par son étendue, par tout ce qu’il renferme de renseignemens historiques, par les documens précieux qui y sont insérés, est l’ouvrage le plus important et le plus intéressant d’Andocide. Quoique l’accusé s’y fasse encore en plusieurs endroits bien humble et bien petit devant ses juges, son attitude est ici plus digne, le ton est plus relevé et plus noble. Le discours s’ouvre par un exorde assez ample, bien calculé pour concilier les sympathies à l’orateur, qui s’y donne toutes les apparences de l’honneur et de la probité, qui affecte une grande confiance dans ses antécédens et dans la justice de sa cause. Plusieurs des narrations ont du mouvement et de