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LE


TRAITÉ DE BRÉTIGNY




II.




Tout péril n’avait point disparu pour le roi Jean sur le champ de bataille ; il en courait d’autres et de fort singuliers, propres au siècle où il vivait et à ces habitudes féodales où tous les extrêmes se touchaient sans cesse, ceux de la grandeur comme ceux de la brutalité[1]. Il demeurait en butte à la cupidité des gens de guerre, qui l’exploitaient comme prisonnier après l’avoir admiré les armes à la main. En ce temps-là, un prisonnier était la proie, le butin spécial du soldat qui l’avait reçu à merci. D’après les lois de la chevalerie, le vainqueur devait des égards à la personne du prisonnier, surtout quand ce dernier était de la qualité de ceux à qui était due prison de chevalier, et le vaincu se pouvait racheter par une rançon ; mais ce prix du rachat demeurait la propriété du guerrier auquel le prisonnier avait rendu son gant ou son épée, quelle que fût d’ailleurs la qualité du vainqueur et du vaincu. La rançon était l’objet d’un traité particulier, librement discuté, et tout à fait indépendant de la capture. Telles s’observaient alors les coutumes de la guerre, et la spéculation sur les rançons ne restait point étrangère quelquefois aux belles actions du champ de bataille. On comprend combien la rançon d’un roi de France avait dû enflammer l’avidité rivale des chevaliers qui environnaient le royal combattant de

  1. Voyez la Revue du 1er juin.