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époque à laquelle le trésorier de la couronne délivrait au nom du roi à Goubert de Boyville un mandat de paiement de cent livres, pro captione régis Franciæ. Après avoir tiré le roi Jean du péril de la convoitise des rançons, les comtes de Warwick et de Gobehen l’amenèrent au pavillon du Prince Noir, qui reçut le royal prisonnier avec un respect profond, « s’inclina tout bas, fit là apporter le vin et les épices, et en donna même au roi. »

Le soir de ce jour de malheur, le prince de Galles offrit à souper sous sa tente au roi Jean, à son héroïque et jeune fils, aux princes de leur famille et à bon nombre de hauts barons de France, qui étaient prisonniers comme eux. Oubliant la fortune des armes, qui lui livrait de si grands personnages, le prince s’honora par sa noble modestie et par sa courtoisie généreuse, rehaussant ainsi son renom dans la chevalerie, et ne se montrant plus qu’un vassal empressé auprès de son suzerain captif, dont la dignité polie répondit convenablement à des procédés de si bon goût. Une table séparée et un peu plus élevée avait été réservée au roi, aux princes et aux plus distingués seigneurs. Elle fut particulièrement bien couverte, selon Froissart, et tous les autres barons et chevaliers s’assirent aux autres tables. Le prince de Galles servit debout le roi de France, comme avaient pu faire jadis ses aïeux les comtes d’Anjou, et se comporta « si humblement que il pooit ; ne oncques ne se volt seoir à la table du roi, pour prière que le roi lui eu fist, ains disoit tout dis qu’il n’étoit mie encore si suffisant que il n’apertenist à lui de seoir à la table de si grand prince. Après avoir convié le roi à se résigner aux coups du sort et à les prendre en bonne humeur, il lui montra les événemens actuels comme devant aboutir à une paix honorable et amicale, ajou-