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qu’auparavant. Sous le nom d’Aquitaine étaient compris les duchés de Guienne et de Gascogne, Foix, Armagnac, etc., l’Agenois, le Périgord, le Rouergue, le Quercy, le Bigorre, plus le Poitou, la Saintonge, le Rochelois ou Aunis, l’Angoumois et le Limousin. Les Anglais gardaient Calais et le pays d’alentour, les comtés de Montreuil et de Ponthieu ; ils y joignaient le comté de Guines, sur lequel ils avaient la main depuis dix ans. Edouard de son côté renonçait à ses prétentions sur la couronne de France. Le roi Jean promettait pour sa rançon la somme énorme de 3 millions d’écus d’or comptables en six termes d’année en année. Il devait être ramené à Calais, où les ratifications seraient échangées, et où il recevrait sa liberté moyennant un premier à-compte de 400,000 écus payables dans les quatre mois du débarquement. Il s’obligeait à fournir pour le paiement intégral des otages pris parmi les personnes les plus considérables du royaume et dans la famille royale elle-même. La France renonçait à l’alliance avec les Écossais, l’Angleterre à l’alliance avec les communes et seigneuries de Flandres. Le pape devait être prié de confirmer les sermens des parties contractantes par les censures les plus fortes que se pourrait en cas d’infraction frauduleuse, et le duc de Normandie devait sceller la charte de paix, comme ainsné fils du roi de France et hoir du roi son père[1]. Froissart rapporte de touchantes paroles des Rochelois en apprenant le sort que leur faisait le traité de Brétigny : « Nous aourrons les Englès des lèvres, mais li coers ne s’en mouvera jà. » Metz, Strasbourg !… La Rochelle est revenue à la France.

Quelques semaines avant la signature du traité, il s’était passé un fait dont le souvenir n’est point consigné, à ma connaissance, autre part que dans les Actes de Rymer. Ce roi si odieux, à en croire certains écrivains, avait trouvé comme Richard des Blondel qui s’intéressaient à son destin, et qui conspiraient pour sa délivrance. Les Anglais avaient eu cette crainte en 1356 à Bordeaux, au dire de Froissart. En 1360, le bruit se répandit à Londres que tout était prêt pour enlever le roi Jean du château de Somerton, où du reste il était facilement accessible, et où il jouissait d’une grande liberté. Sur cette rumeur, le roi fut transféré sous bonne garde dans un château mieux défendu, puis dans un autre peu de jours après, et enfin à la Tour de Londres. Il paraît que de hardis armateurs devaient tenter une descente sur les côtes anglaises pour délivrer le prisonnier. C’est à la Tour de Londres que lut fut portée la nouvelle de la signature du traité de Brétigny. Le roi Edouard étant retourné en Angleterre, les deux souverains s’y rencontrèrent,

  1. Vbyee un savant mémoire de Secousse dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XVII ; le Froissart de M. Buchon, édition du Panthéon, t. Ier, p. 432 et suiv. ; le Froissart de Lettenhove, t. VI, et les Actes de Rymer, t. III.