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depuis, qui assure aux trades-unions le bénéfice de la liberté et de l’existence légale, le parlement tout, entier applaudissait M. Mundella, déclarant que, grâce à ces sociétés, le système de l’arbitrage avait produit d’excellens effets, et que l’Angleterre pouvait sur ce terrain servir d’exemple à l’Europe et à l’Amérique. Les classes laborieuses ne paraissent pas moins se louer de la nouvelle institution. Nous avions nous-même tout dernièrement le plaisir d’assister à Londres à une délibération d’un congrès des délégués des sociétés, ouvrières où étaient représentés près de 300,000 sociétaires. Après d’éloquentes paroles des fondateurs des conseils de Nottingham et Wolverhampton accueillies avec enthousiasme, on a voté par acclamation la motion suivante : « les membres des trades-unions représentés en cette réunion s’engagent dans l’avenir à ne jamais commencer une grève sans avoir d’abord proposé aux patrons de fonder un conseil d’arbitrage devant lequel seraient portés le débat présent et ceux qui pourraient surgir. »


II.

Si l’Angleterre nous a devancés dans l’invention pratique de ces sages institutions, du moins le vœu d’en, voir de pareilles s’établir en France a été souvent exprimé dans notre pays. Plus d’une fois, on y a senti le besoin de faciliter les relations des patrons et des ouvriers, afin d’adoucir les frottemens et de prévenir les conflits. Dans la commission législative qui en 1864 discuta le projet de loi sur les coalitions, la question d’organiser un « préservatif contre l’explosion instantanée des grèves » fut vivement agitée. « Avant de plaider, disait le rapporteur, on est obligé de comparaître en conciliation devant le juge de paix. La tentative d’ordre amiable se place avant l’ordre judiciaire. D’après le congrès de Paris, la guerre doit être précédée d’un essai de médiation. Pourquoi la guerre industrielle ne serait-elle pas, comme la guerre judiciaire, comme la guerre politique, précédée d’un essai de conciliation ? »

La commission avait tenté de formuler elle-même un projet pour organiser les conseils de conciliation. Elle demandait que les parties, avant de déclarer la grève, fussent obligées, sous peine d’amende et de privation des droits politiques, de comparaître devant un tribunal formé soit de personnes désignées d’un commun accord, soit, à défaut d’accord, du conseil des prud’hommes de la circonscription, soit enfin, en l’absence d’un conseil de prud’hommes, d’une commission mixte, composée en nombre égal de patrons et d’ouvriers, et formée par le président du tribunal de commerce.