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qu’avec leur appui. Résolument ils ont appliqué leurs méthodes, même leurs instrument, à la connaissance de l’âme intelligente ; mais il importe ici de bien s’entendre. La physiologie n’a point à soulever, ne saurait soulever les questions de la nature de l’existence de cette cause première qui s’appelle l’âme en religion et en philosophie. Ces questions ne sont point de son ressort ; elle les écarte systématiquement, n’ayant pas le moyen de les trancher. Les visées en sont beaucoup plus humbles : elle borne son étude aux manifestations qui tombent sous nos sens, et deviennent par cela même un objet de légitime recherche. Elle ne fait point autre chose au fond que ce qu’a toujours pratiqué la philosophie spiritualiste ; elle le fait par d’autres procédés, par ses moyens à elle, voilà tout. Et si les partisans des systèmes philosophiques les plus opposés restent absolument libres de contester la valeur de résultats qui sont loin, — il faut en convenir de bonne grâce, — d’être toujours définitifs, nul ne peut trouver mauvais que les biologistes à leur tour traitent cette recherche comme toute autre, mettant, la meilleure garantie de leur autorité dans les solutions partielles qu’ils croiront avoir atteintes, Celles-ci ont pris dans ces derniers temps une valeur et une importance inattendues ; des découvertes riches de conséquences ont été faites, des instrumens imaginés pour l’étude des facultés, des méthodes nouvelles appliquées. L’étude à la fois anatomique et physiologique du système nerveux vient de prendre un aspect tout nouveau qu’il y a quelque intérêt à faire connaître, les résultats atteints par la biologie intéressant la solution des plus grands problèmes que puisse se poser l’esprit humain.


I.

Tout le monde sait aujourd’hui que le siège des facultés intellectuelles est le cerveau. Nous sommes élevés avec cette croyance, et enclins par cela même à croire qu’on l’a eue de tout temps. Il s’en faut, et cette notion du rôle du cerveau est de date relativement récente. Des esprits qui comptent parmi les plus grands qu’ait vus l’humanité ont longtemps discuté ce que savent aujourd’hui nos enfans avant d’entrer à l’école. Telle est l’histoire de nos connaissances ; la plus banale, la plus élémentaire, a occupé les veilles des hommes de génie. Le principe de la vie et cet ensemble de propriétés et de fonctions qu’on appela plus tard « l’âme, » avec la respiration, tout cela longtemps » ne fit qu’un dans l’esprit des hommes. Chez les peuples primitifs, où la chasse et la guerre étaient de tous les instans, on s’imagina que le sang était la vie même, et coulait avec elle dans les veines : on la voyait abandonner avec lui le