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pied ou la main, et il ne le peut. Il est seulement probable que l’acte volontaire subit là une première transformation qui en commande plusieurs autres successives dans le cervelet, la moelle, lesquelles aboutissent en définitive à la contraction harmonique des muscles des membres. C’est toutefois l’anatomie seule et l’agencement des filamens nerveux qui nous font supposer qu’il en doit être ainsi, car tous ces actes, y compris l’acte initial des corps striés, sont absolument inconsciens, et il nous faudrait encore le deviner avant de chercher à vérifier sur les animaux si nous ne nous trompons pas.

Entre les perceptions dont les couches optiques peuvent être appelées l’organe et l’exécution des mouvemens voulus dont le principe est dans les corps striés, prennent place tous les actes nerveux qui ont trait à l’élaboration des perceptions, au dégagement des idées que nous en tirons, aux résolutions qu’elles motivent, c’est-à-dire l’intelligence dans tout ce qu’elle a de grand, de supérieur, de « divin, » comme s’exprime Platon. L’idée que « l’âme » pouvait avoir dans le cerveau un siège précis n’appartient pas aux matérialistes. Descartes décrète qu’elle est logée dans la glande pinéale, sorte d’appendice ressemblant à une toute petite pomme de pin soutenue par une mince tige. Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que notre philosophe n’a jamais vu cet organe que chez les animaux, des veaux surtout, auxquels il refuse une âme ; à la vérité, il y place une partie de leur mémoire. Nous le trouvons cependant en 1647 à Leyde, assistant à la dissection d’une femme. C’est la seule fois, croyons-nous, qu’il se soit vu en face d’un « sujet, » et ce jour-là il joua de malheur : il ne parvint pas à découvrir la glande pinéale. Un vieux professeur du nom de Vallcher ne fut pas plus heureux ; ce devait être un homme, fort ignorant. Il assura au philosophe que jamais il n’avait pu voir cet organe sur un cerveau humain ; mais Descartes, avec quelque apparence de raison, attribue cet insuccès du bonhomme à l’état avancé des pièces sur lesquelles il faisait ses démonstrations. Peu importait au reste : le philosophe avait depuis longtemps son système tout fait sur le siège de l’âme, comme on le voit par sa correspondance, et il n’était pas homme à changer si vite. La raison qui le décide est que la glande pinéale occupe à peu près le centre du cerveau. Selon Chrysippe aussi, l’âme doit résider dans le cœur, parce qu’il est au centre du corps, et Galien raille même les partisans de cette doctrine en leur faisant remarquer qu’à ce compte ce devrait être l’ombilic, qui est beaucoup plus central que le cœur. La glande pinéale est immobile à sa place et comme emprisonnée dans une sorte de réseau fibreux qui l’enveloppe de ses mailles ; n’importe, l’âme est mobile, dit Descartes, la partie où siège l’âme doit l’être aussi, et le voilà qui se figure la glande