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de la sorte dans un espace trop étroit pour les dimensions qu’il doit avoir. Dès lors l’instrument est faussé, disent les philosophes, et ne peut plus rendre aucun service ; dès lors, disent les biologistes, les rapports nécessaires n’existent plus dans la structure intime de l’organe pour le jeu de la fonction à laquelle il était destiné. Il est singulier que la physiologie n’ait point encore songé à produire artificiellement l’idiotie chez les animaux. Personne ne doute plus aujourd’hui que les animaux aient une intelligence, moins parfaite que la nôtre sans aucun doute, mais pouvant être cependant comparée à la nôtre. Ils ont nos passions : ils aiment, haïssent, se souviennent, ils ont parfois de l’esprit, même sans emprunter celui du fabuliste ; ils rêvent, ceci est hors de doute ; il en est qu’on peut certainement regarder comme atteints de folie, d’aucuns s’enivrent à plaisir. Il serait probablement facile de faire à volonté des animaux idiots en arrêtant le développement de leur tête, comme les Chinoises se font des pieds monstrueux avec des souliers de plomb qui en gênent la croissance.

Il est certain que le nombre des cellules nerveuses, des tubes blancs, de tous ces élémens microscopiques dont le cerveau est bâti, augmente jusqu’à un certain âge. Il s’établit donc, à mesure, que nous avançons dans la vie, des connexions nouvelles entre les différentes parties du cerveau : il est assez naturel de supposer que ce perfectionnement de l’organe est lié au développement de nos facultés. Il n’est pas non plus déraisonnable d’admettre que des connexions du même genre continuent de s’établir dans tel sens plutôt que dans tel autre à mesure que nous exerçons une faculté donnée, comme les muscles d’un artisan deviennent avec le temps mieux agencés pour le travail journalier qu’ils doivent faire. Nous n’avons point à la vérité et n’aurons de longtemps la preuve, directe qu’il en soit ainsi, — que peu à peu, nos travaux intellectuels, les aptitudes que nous nous efforçons de développer en nous, entraînent des modifications plus ou moins profondes dans la structure intime de la substance grise ou blanche de notre cerveau. Cette supposition pourrait même sembler absolument gratuite, si un fait bien connu ne venait démontrer qu’il en doit être ainsi. L’hérédité, cette réapparition chez le descendant des traits ou de tout autre caractère physique de l’ancêtre, ne s’explique pas. C’est encore une de ces propriétés des corps vivans qu’il faut se borner à constater ; mais l’hérédité transmet aussi bien, — les exemples abondent, — les aptitudes intellectuelles que les traits du corps. Or il est bien difficile, quelque bonne volonté qu’on y mette, d’expliquer autrement que par l’hérédité d’une structure matérielle la reproduction chez le descendant des qualités, morales ou intellectuelles acquises par l’ancêtre ; l’hérédité reliant