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prétorienne. Une sorte de changement à vue s’est opéré dans cette mobile vie parisienne, et l’on se douterait à peine de ce qui vient de se passer, si on ne rencontrait sur son chemin ces grandes ruines, les Tuileries, l’Hôtel de Ville, où l’incendie fume encore par instans, qui n’ont d’égales que les ruines romaines laissées debout par les invasions barbares. Ces débris gigantesques sont là comme pour montrer que quelque prodigieux cataclysme s’est accompli. Tout le reste a disparu avec les dernières taches de sang effacées par les pluies d’été, et Paris reconquis, rendu à lui-même, Paris n’a peut-être d’autre étonnement que celui de s’être trouvé pendant deux longs mois au pouvoir d’une horde qui sous prétexte de république universelle ou de commune, n’a imaginé rien de mieux que de tenter le sac d’une civilisation, d’une société, d’une nation déjà éprouvée par tous les malheurs de la guerre étrangère. De cette insurrection de toutes les convoitises, de toutes les passions meurtrières, voilà donc ce qui reste des ruines où est écrite l’infamie des destructeurs et ce soulagement d’une population tout entière qui se sent délivrée d’une tyrannie de hasard. Paris a été mutilé dans le combat, il en portera la cicatrice ; mais il est libre, et il redevient Paris.

Ce que pendant deux mois on a nommé par une sorte d’euphémisme bizarre l’armée de Versailles, le gouvernement de Versailles, tout cela disparaît aujourd’hui ; il n’y a plus pour Paris comme pour le pays tout entier que l’armée de la France, le gouvernement de la France, représenté par une assemblée souveraine qui personnifie la nation et par un pouvoir exécutif qui est le mandataire de l’assemblée. La guerre civile n’est plus l’unique et irritante obsession de tous les esprits. Non, grâce à Dieu, on ne vit plus sous cette menace permanente de l’incendie, du pillage et du meurtre déchaînés dans la première des villes françaises ; on est sorti de cette atmosphère de la mort. et on commence à respirer. Il est vrai, la paix intérieure est reconquise par une armée aussi fidèle que vaillante. la crise aiguë est passée ; c’est beaucoup sans doute, ce n’est pas tout cependant, puisque avec cette paix si heureusement retrouvée renaissent les préoccupations, les dificulltés de toute nature qui font de la politique française en ce montent l’œuvre la plus laborieuse et la plus complexe. Qu’on songe bien un instant que tout est à refaire, que les problèmes les plus graves de réorganisation publique n’excluent pas les questions les plus délicates. et que cette résurrection de la France à laquelle on aspire justement ne peut être le prix que de l’effort collectif et persévérant de tous les patriotismes, de toutes les bonnes volontés. Il ne s’agit plus évidemment aujourd’hui de chercher le salut dans les petites combinaisons et les tactiques habiles, dans ce jeu des partis faisant de la politique un champ de course où le plus agile a la chance d’arriver le premier. Au point où nous en sommes, il n’y a