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À Memphis, capitale de l’ancien royaume, la religion locale consistait dans le culte de Phtah, le formateur, créant les autres dieux par sa bouche et les hommes par son œil (le soleil), — d’Euchosep, son fils, assimilé par les Grecs à Esculape, — de Pacht ou Bast, son épouse. C’est là surtout que se développe le culte des animaux sacrés, entre autres celui d’Apis, le taureau noir à taches blanches, qui passe pour une sorte d’incarnation de Phtah, et représente l’apparition de la lumière sortant du sein des ténèbres. La vache qui donnait le jour à ce veau sacré demeurait vierge malgré sa naissance, et ne pouvait plus avoir d’autre rejeton. De la même région sortent le beau Mendès, symbole de puissance créatrice, les chats, éperviers, hippopotames, crocodiles divins portant des boucles d’oreilles d’or, etc. Strabon prétend que ces derniers étaient parfaitement apprivoisés. Tous ces animaux sont regardés, non-seulement comme des symboles, mais encore comme participant à quelque perfection divine, et incarnant ainsi au moins une partie de l’essence de la divinité.

Au temps de la treizième dynastie, nous voyons paraître en première ligne les dieux de Thèbes : Munt, soleil levant et dieu guerrier, même type que Horus, — Chem, dieu de fécondité, — Amun, le caché, force vivifiante, — Num ou Kneph, dieu des cataractes ou plutôt du vent qui mugit sur les eaux, avec ses deux épouses, Sasi, la flèche, et Anka, celle qui embrasse, ou la terre fécondée par Num.

Avec l’invasion des Hyksôs, peuples venus d’Asie, et qui, après avoir conquis et ravagé l’Égypte, finirent par en adopter la civilisation, il s’opère un mouvement religieux fort remarquable. Leur roi Apepi choisit parmi les divinités égyptiennes, pour en faire son dieu exclusif, le terrible Set, sans doute parce qu’il présentait une affinité étroite avec le Moloch quelconque adoré auparavant par les envahisseurs. Il est très curieux de constater qu’une tendance monothéiste décidée se révèle chez ces nouveau-venus. Il y eut même une convention proposée par le roi étranger du nord à la maison royale indigène de Thèbes pour que le nord et le sud n’eussent chacun qu’un seul dieu. C’est Amun-Ra, réunissant les deux noms des divinités les plus abstraites du panthéon égyptien, qui devait être l’unique objet du culte méridional. Ce projet fut repoussé par la dynastie thébaine, qui entreprit la guerre de la délivrance. Cette guerre fut au fond celle du polythéisme opulent des fils de Cam contre la religion plus simple des Sémites. Elle se termina par l’expulsion de ceux-ci, et surtout depuis ce temps on voit les cultes locaux de l’Égypte se fondre, s’amalgamer dans un vaste synérétisme national, qui va même jusqu’à englober plusieurs divinités étrangères. Amenophis IV voulut substituer un dieu solaire, Aten, à Amun-Ra. Son entreprise échoua, et le culte d’Aten passa même pour une hérésie. Le polythéisme suit son cours, la royauté elle-même est divinisée. Un Ram-