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fêtes furent instituées, des temples s’élevèrent dans toutes les grandes villes de l’Orient en l’honneur de Rome et d’Auguste. L’Occident ne commença qu’un peu plus tard. Les habitans de Tarragone, chez lesquels Auguste avait fait un assez long séjour pendant la guerre des Cantabres, et qui sans doute avaient reçu de lui quelques faveurs, demandèrent et obtinrent la permission de lui dédier un autel. En 744, à la suite d’un mouvement des Sicambres, qu’on disait encouragés secrètement par les Gaulois, soixante peuples de la Gaule réunis à Lyon décidèrent, pour mieux prouver leur fidélité, d’élever un autel à Rome et à Auguste au confluent de la Saône et du Rhône. En 764, vers la fin de ce règne glorieux, les habitans de Narbonne s’engagèrent par un vœu solennel « à honorer perpétuellement la divinité de César-Auguste, père de la patrie. » La formule curieuse du serment qu’ils prêtèrent à cette occasion nous a été conservée ; ils promettaient de lui élever un autel sur leur forum, et d’y sacrifier tous les ans à de certains anniversaires, notamment le 9 des calendes d’octobre, « jour où pour le bonheur de tous un maître était né au monde, » et le 7 des ides de janvier, « où il avait commencé à régner sur l’univers. » — Auguste laissait faire ; il est probable qu’au fond ces hommages ne lui déplaisaient pas ; il y voyait une preuve éclatante de sa popularité dans les provinces et comme un gage de leur soumission. Il ne voulait pas pourtant avoir l’air de les encourager. Au contraire, il affectait quelquefois d’en sourire en homme du monde qui sait ce que valent ces protestations, et qui n’est pas dupe des flatteurs. On raconte qu’un jour une ambassade solennelle des habitans de Tarragone vint lui annoncer qu’il avait fait un miracle : un figuier était né sur son autel. Il se contenta de répondre : « On voit bien que vous n’y brûlez guère d’encens. »

Il était impossible que l’exemple des provinces ne finît point par gagner Rome et l’Italie. Qu’allait faire Auguste au moment où son culte, toléré dans le monde entier, tenterait de s’établir au centre même et dans la capitale de l’empire ? Dion Cassius, après avoir raconté qu’il permit aux villes de l’Asie de lui rendre les honneurs divins, ajoute « qu’à Rome et dans l’Italie personne n’osa le faire. » Cette affirmation est beaucoup trop générale. En prétendant que les Italiens n’osèrent pas adorer Auguste de son vivant, Dion leur fait plus d’honneur qu’ils ne méritent. On ne sait s’il leur en accorda formellement la permission, ou s’il la laissa prendre ; mais les inscriptions nous prouvent qu’avant sa mort il avait des prêtres, et que son culte était institué à Pise, à Pompéi, à Assise, à Préneste, à Pouzzoles et dans les principales villes de l’Italie. Quant à Rome elle-même, la question est plus douteuse. Suétone affirme catégoriquement