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à côté des proclamations et des décrets de l’Hôtel de Ville apprennent aux habitans de Paris ce que fait pour eux à Versailles le gouvernement national de la France, et ce qu’essaient en son nom à Paris même les autorités qui le représentent. Sous leur direction, la résistance s’organise, et, si elle n’aboutit qu’à un avortement, elle est loin d’avoir été inutile. Elle a, pendant une semaine, arrêté la marché envahissante de l’insurrection, et gagné du temps pour les préparatifs plus efficaces qui se faisaient au dehors. Si elle-même s’est vue paralysée par une capitulation soudaine, cette capitulation, si regrettable dans sa forme et dans quelques-unes de ses conséquences, n’a pas été sans profit. La guerre civile dans Paris pouvait être immédiatement suivie, après la défaite inévitable des défenseurs du droit et dans l’enivrement de la victoire, de cette attaque contre Versailles que les élections et l’installation de la commune ont retardée d’une autre semaine : ces quinze jours de répit, en facilitant la réorganisation de l’armée, ont peut-être été le salut de la France.


III.

Le comité central avait été habile ; la commune, quoiqu’elle eût hérité d’une partie de ses membres, ne fut que violente. Elle fut au-dessous de toutes les tyrannies par l’inutilité, ou, pour mieux dire, l’insanité de ses crimes. Elle ne sut que faire revivre les mots de 1793, sans y faire passer le souffle qui les animait. Loin d’avoir des hommes d’état, elle n’eut pas même des tribuns. Dans ses ternes séances, qu’elle n’osa pas rendre publiques, et dont elle hésita longtemps adonner le compte-rendu, il n’y avait pas trace de cette éloquence enflammée qui devait, suivant un de ses membres, faire « écumer la multitude, » et rappeler « Danton débraillé et tonnant. » Et cependant cette assemblée où l’ineptie le disputait à la perversité, loin de perdre ses adhérons, en vit croître le nombre ; on la servait en la méprisant, on lui témoignait son dédain en s’abstenant de voter aux élections destinées à la compléter, on n’en obéissait pas moins à ses plus absurdes décrets, et on persistait à se battre pour elle. Tous ses soldats n’étaient pas également braves : beaucoup s’enfuyaient au premier choc, presque tous se lassaient après un service assidu hors des murs, ils rentraient en criant à la trahison ; mais ils ne passaient pas à l’ennemi. La commune se soutenait par les espérances de transformation sociale qui s’attachaient à son nom, par la solde qu’elle assurait à tous les gardes nationaux qui reconnaissaient son autorité, par l’organisation et la quasi-discipline de ses bataillons, par une sorte de point d’honneur militaire qu’il n’était pas rare de rencontrer chez ces hommes du peuple dont l’orgueil avait été si imprudemment exalté et si amèrement déçu ;