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6,000 chevaux et 18,000 tonneaux d’encombrement. Cette flotte semblait une charge insignifiante pour notre budget dans un temps où les budgets pouvaient être illimités ; mais, pour peu que la source où chaque département puisait à pleines mains vînt à tarir, nous n’avions plus que le choix de laisser dépérir un matériel dont aucune autre nation maritime ne s’était imposé l’entretien, ou de sacrifier à un intérêt secondaire nos instrumens de combat.

Dans le plan adopté en 1857, il y eut à mon sens, en même temps qu’une idée juste, — celle de limiter à un petit nombre de navires rapides notre état militaire, — deux idées fausses, dont les conséquences eussent été des plus funestes, si une guerre maritime eut appelé nos ports à faire un effort sérieux et à montrer ce qu’étaient devenus les millions qu’on leur avait donnés. Ces idées peuvent encore avoir cours et on ne saurait trop protester contre les tendances qu’elles encouragent. La première attribue à la marine pour rôle principal le transport d’une armée sur le littoral ennemi, tandis que c’est l’occupation de la route maritime qui est le point essentiel. La sécurité du trajet garantie, les flottes marchandes suffiront pour l’accomplir. La seconde pensée, que je ne voudrais pas laisser prévaloir, consiste à établir une connexité, qui va jusqu’à la confusion, entre les dépenses afférentes au renouvellement de la flotte et cette classe de dépenses, nommées improductives, qui concernent plus particulièrement les armemens. Ces deux réserves faites, on ne peut nier que la rénovation de notre marine n’ait été conçue avec une certaine hauteur de vues. Du même coup cette marine fut lancée avec une audace extrême dans des voies inconnues. Les batteries flottantes de Kinburn se trouvèrent converties en navires de haut bord. La cuirasse n’avait jusque-là revêtu que des masses informes ; elle s’appliqua sur les flancs de frégates auxquelles elle n’enleva rien de leur rapidité ou de leurs qualités nautiques. L’empire était jeune alors. Ceux qui le servaient avaient encore l’élan, l’enthousiasme, la foi dans ses destinées ; ils cherchaient et osaient beaucoup. Aucun projet d’agression immédiate n’inspirait, je crois, cette ardeur ; néanmoins, avant même que la flotte fût construite, on s’occupa de trouver le moyen de la tenir constamment disponible. Ce fut la seconde partie de l’œuvre entreprise par l’amiral Hamelin.


III.

Les navires ne vieillissent plus sur les chantiers ; ils en descendent pour recevoir leur machine aussitôt que leur coque est terminée. Le dépérissement annuel s’est considérablement accru par