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L’ancienne marine ne connaissait que deux situations, l’armement ou le désarmement. La nouvelle vit instituer la préparation d’armement, la commission de port, la disponibilité de rade, le demi-armement, enfin l’armement complet. Le demi-armement répondait surtout à cette période inconnue jusqu’alors dans la vie du navire, mais qui précède inévitablement aujourd’hui son admission dans les rangs de la flotte, je veux parler de la période des essais. Le montage de la machine, exige cinq ou six mois de travail ; le navire peut rester tout ce temps en préparation d’armement, c’est-à-dire avec un état-major qui surveille l’opération importante à laquelle il ne participe que par son contrôle, et avec un équipage dont la tâche se borne à mettre le bâtiment en. état de sortir du port ; mais dès que la machine est montée, le fournisseur impatient vient réclamer le remboursement de ses avances. On ne peut songer à le satisfaire avant d’être complètement édifié sur la valeur de l’appareil qu’il nous livre. Quels que soient les embarras du budget, quel que soit le désir du ministre de diminuer les frais des armemens, il faut pourtant armer ce navire tenu en suspens et l’envoyer éprouver sa machine à la mer. Un demi-équipage suffira pour ces épreuves ; seuls, les mécaniciens et 1es chauffeurs seront au complet. Un ministre de la marine a donc constamment trois flottes sur les bras : la flotte en cours de campagne, la flotte en réserve, et cette flotte en essai qui, par suite du résultat incertain des expériences, des réparations, des retouches, des entrées multipliées au bassin, est incontestablement la plus propre à déconcerter les prévisions financières. Tout n’est pas calcul rigoureux, il s’en faut de beaucoup, dans l’établissement d’un budget ; on doit toujours y faire une très large part aux mécomptes. L’important, c’est qu’on ne puisse, comme on n’en serait que trop souvent tenté, aligner ses chiffres aux dépens des constructions neuves. La sincérité n’est pas seulement le premier devoir d’un ministre, c’est aussi la meilleure de ses garanties. On ne peut dans un budget faire l’obscurité pour les autres sans la faire un peu pour soi-même.

L’organisation du matériel n’avait pas demandé moins de cinq ans d’études. La solution adoptée par l’amiral Hamelin parut répondre et répondait en effet à toutes les exigences. Le bon entretien de la flotte était assuré, et, ce qui n’était pas moins nécessaire, l’entente entre les ports et l’administration centrale était devenue facile. Un mot suffisait pour indiquer les intentions du ministre ; un mot disait tout en fait de dépenses autorisées et de préparatifs prescrits. L’œuvre avait su allier la clarté à l’économie ; on ne pouvait lui demander davantage. Ce n’était là pourtant que la petite question ; la chose réellement importante, c’était la constitution du