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ans une partie de la jeunesse d’Orient parle le français : ce n’est pas ici le lieu d’insister sur une nouveauté aussi importante ; mais, à la fin de ce voyage, quand nous essaierons de préciser le genre d’influence que chacune des nations européennes peut exercer sur l’empire ottoman, il sera nécessaire de tenir grand compte de ce fait. Si les élèves de l’école d’Andrinople savent aussi bien le persan et l’arabe que la géographie, l’histoire et l’arithmétique, le succès de l’enseignement est remarquable. Des deux histoires turques dont ils se servent, l’une, celle de Djeveded-Pacha, est composée d’après les historiens ottomans ; l’autre, due à Haidoulla-Effendi, s’inspire parfois des ouvrages européens. J’ai pu interroger plusieurs élèves, même les voir d’assez près en dehors de la classe ; ils m’ont laissé une impression excellente. Ils sont sérieux et sensés ; la discipline est à peine nécessaire pour les faire obéir. Il est étrange qu’avec de pareils élémens la Turquie ne puisse réformer son personnel administratif ; il faut que la force de l’habitude, l’empire des vieilles idées, soient encore bien puissans.

Au-dessous de l’école militaire se trouvent deux ruchdiés ou colléges secondaires, ils ont été créés en 1858 ; l’un compte trente élèves, l’autre cinquante ; l’enseignement y est aussi tout laïque, par opposition à celui des mosquées ; il comporte le turc littéraire, c’est-à-dire le persan et l’arabe, la géographie, l’arithmétique et la calligraphie, qui, en Orient, est toujours un art assez difficile. Cinquante-deux écoles primaires ottomanes enseignent la lecture et les élémens de l’écriture. C’est dans ces petites classes, où les garçons et les filles sont mêlés, qu’on peut, comme on l’a vu déjà, le mieux se rendre compte de l’intelligence des femmes turques. Il y a de plus à Andrinople dix-sept médrésés où se forment les muftis, les cadis et tous ceux qui se destinent aux fonctions religieuses. Dans ces médrésés, les kodjas ou savans enseignent gratuitement. Chaque médrésé dépend d’une mosquée qui paie les professeurs ; les élèves sont nourris par des cuisines publiques, fondations pieuses qui ont aussi pour objet de distribuer des soupes, du pain et de la viande aux mendians. La prosodie, la logique, l’astronomie, l’ancienne physique des Orientaux du moyen âge, la théologie, la philosophie, les mathématiques et la rhétorique, occupent la plus grande partie du temps dans les médrésés ; l’enseignement s’y fait en arabe. Chaque médrésé compte en moyenne cinq ou six élèves. Dans ces vénérables écoles, les élèves consacrent de longues heures à des études qui perdent tous les jours de leur intérêt depuis que la Porte cherche à emprunter à l’Occident ses méthodes et ses procédés. — On suppose peut-être qu’une armée considérable maintient le vilayet d’Andrinople dans l’obéissance. Cette force militaire se compose de 2,000 hommes, tous Polonais, qui forment une légion étran-