Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concessions que l’on faisait aux protestans. Sans cesse se manifestaient dans la ville des symptômes d’irritation et des dispositions à la révolte. Henri III, averti du danger, recourait à des mesures répressives que dès son avènement au trône il avait commencé d’appliquer, mais qui avaient été peu efficaces ; Paris se remplissait d’une foule d’aventuriers, d’étrangers suspects et de vagabonds jetés là par la guerre civile, tout prêts à se mettre à la solde de quelque artisan de séditions. Le roi à plusieurs reprises ordonna l’expulsion immédiate de tous ces gens sans aveu, et prescrivit en conséquence des perquisitions dans les hôtelleries, les tavernes et les maisons garnies ; il réitéra l’injonction formelle à ceux qui recevaient, ou, comme on disait alors, qui retiraient des étrangers et des personnes ne résidant pas dans la ville, d’en faire jour par jour la déclaration. On insista plus que jamais sur la formalité des passeports, qui furent exigés de tous ceux qui entraient dans Paris, et afin que nul ne s’introduisît nuitamment sans en être pourvu, défense fut signifiée à tout batelier ou passeur de bac, une fois le soleil couché, de faire traverser à personne la rivière. La misère des classes inférieures apportait encore un élément de trouble. Les guerres autant que les mauvaises récoltes avaient fait renchérir considérablement le prix du blé. En 1586 et 1587, les ateliers de charité se grossissaient tellement que la ville n’y pouvait plus suffire. On dut organiser de nombreuses quêtes pour venir au secours des pauvres. Le 22 juillet de cette dernière année, une émeute pour le pain éclata aux halles. La police redoublait donc partout de rigueur. On publia au nom du roi un règlement circonstancié sur l’ouverture et la fermeture des portes de la ville et sur l’organisation de la milice bourgeoise. Un autre règlement parut sur la foire Saint-Germain, qui attirait chaque année un grand nombre d’étrangers, et où bien des gens malintentionnés se glissaient dans la foule des badauds et des écoliers qui s’y pressaient. Ce qui touchait au port des armes fut également l’objet de mesures très sévères. À cette époque de guerres civiles, presque tout le monde était armé. On ne parlait que de guet-apens et d’assassinats ; des rixes et de véritables combats avaient lieu souvent dans les rues, surtout la nuit, tandis que des imprudens s’amusaient à tirer des coups de pistolet et d’arquebuse. Une ordonnance enjoignit aux hommes de la milice bourgeoise de ne prendre leur mousquet que lorsqu’ils seraient de service, et d’en user seulement dans le cas d’absolue nécessité.

Ces sages prescriptions, un peu tracassières dans l’application, irritaient plus les Parisiens qu’elles ne les tranquillisaient, car à toutes les époques les Français se sont montrés mal disposés contre l’autorité qui les protège, parce qu’elle réprime en même temps leurs excès. Les bourgeois voyaient dans ces injonctions réitérées