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jamais à notre profit le droit d’élection, disait M. de Martignac ; nous sommes les ennemis jurés de la fraude, du mensonge et de l’illégalité ; nous les combattrons sous quelque couleur que nous les rencontrions. La lutte doit être franche, ouverte, légale, et l’action du gouvernement ne doit jamais être ni frauduleuse, ni tyrannique, ni inquisitoriale. »

Les faits répondirent aux paroles. M. Royer-Collard fut nommé président de la chambre des députés. Deux projets de loi, l’un sur la révision des listes électorales et du jury, l’autre sur le régime de la presse et spécialement des journaux, furent présentés par le gouvernement, tous deux sincères et efficaces, le premier pour garantir la liberté et la vérité des élections, le second pour assurer la liberté de la presse en supprimant la nécessité de l’autorisation pour la fondation des journaux, la censure facultative et les procès de tendance. Mesquinement discutées dans la chambre des députés par l’ancienne opposition du côté gauche, amèrement attaquées dans la chambre des pairs, où les amis de M. de Villèle étaient nombreux et puissans, ces deux lois furent habilement défendues par le ministère et par les doctrinaires, ses plus décidés adhérens, notamment par le duc de Broglie, le plus habile et le plus décidé d’entre eux. Dans l’une et l’autre chambre, les deux lois furent adoptées par de fortes majorités, et elles acquirent à M. de Martignac un juste renom de sincérité libérale comme d’éloquence et de prudence parlementaire. Plusieurs autres mesures occupèrent sérieusement les chambres, qui se sentaient en présence d’une administration sérieusement constitutionnelle. Un emprunt proposé pour mettre notre état militaire sur un pied convenable en présence des perspectives de guerre en Orient pour l’affranchissement de la Grèce ne rencontra qu’une approbation générale. Deux ordonnances du roi, publiées le 17 juin et contre-signées par le garde des sceaux et par M. l’évêque de Beauvais, apportèrent des changemens notables dans le régime des écoles ecclésiastiques et des petits séminaires et dans leurs rapports avec l’université ; elles furent violemment attaquées par le côté droit, qui les taxait d’impiété et de tyrannie, et bien reçues des libéraux, qui pourtant les trouvaient insuffisantes. A mon avis, elles ne reconnaissaient pas assez largement les droits de la liberté religieuse et du libre enseignement ; mais elles étaient en accord avec les traditions gallicanes et les passions du public incrédule. Au terme de tous ces actes et de tous ces débats, la session fut close le 18 août 1828, laissant M. de Martignac chef du cabinet sans en avoir le titre, et le cabinet bien établi dans l’estime et l’espérance du public, plutôt qu’affermi dans le sein des chambres et dans la confiance du roi.

Je me permettrai de rappeler ici un incident qui me fut