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une question locale ou même spéciale à chaque état : elle tend de jour en jour à devenir une question européenne.


II

L’enseignement qui résulte de ces faits est facile à déduire. Aussi longtemps que l’étranger pourra nous fournir les bois qui nous sont nécessaires, nous devons nous garder de sacrifier à nos besoins du moment des produits encore imparfaits, et qui naturellement doivent être réservés pour l’avenir. Ce ne sera du reste là pour la génération actuelle qu’une faible privation, souvent même plus apparente que réelle. Le revenu des propriétaires de forêts en sera momentanément quelque peu diminué, mais au grand avantage de la propriété elle-même. On ne réussira pas moins à satisfaire les besoins du pays en bois d’œuvre. En effet, les petits bois sont toujours offerts sur le marché français en quantité suffisante et parfois même avec excès ; la modicité des prix, les difficultés qu’on trouve souvent à s’en défaire, le prouvent de reste. Un fait remarquable d’ailleurs, c’est qu’à côté de notre énorme importation de gros bois d’œuvre nous en exportons régulièrement une quantité notable de petits. Les bois moyens n’ont qu’une utilité relative à la rareté des gros bois[1]. Ces derniers seuls ont une importance de premier ordre. S’ils sont nerveux, ils fournissent des pièces rares, recherchées pour les constructions de tout genre ; s’ils sont tendres, ils donnent des planches minces, dites sciages fins, réclamées par l’ébénisterie et la menuiserie de luxe. En raison de l’écorce, de l’aubier, du cœur et des autres causes de déchet inévitables dans le débit, les chênes, en même temps qu’ils gagnent en grosseur avec l’âge, gagnent beaucoup aussi en utilité et en valeur ; le déchet diminue à mesure que le diamètre augmente. Ainsi, dans le cas où l’épaisseur totale de l’écorce ou de l’aubier est de A centimètres, le calcul montre que le bois réellement utile n’est guère, dans une bille de 30 centimètres de diamètre, que la moitié du volume total, et dans une bille de 45 centimètres que les deux tiers environ ; avec un diamètre de 60 centimètres, il s’élève aux trois quarts, et quand le diamètre est de 75 centimètres, le bois parfait forme les quatre cinquièmes du volume de la bille. Dans le débit en merrain, le déchet, qui dans les plus beaux arbres est déjà de 40 à 45 pour 100, près de la moitié, peut s’élever jusqu’à 75 et 80 dans les bois de dimensions moyennes, c’est-à-dire que les trois quarts ou les quatre cinquièmes du volume des billes tombent alors en bois de feu. Les

  1. On classe ordinairement comme gros bois les arbres qui mesurent au moins 0m,70 de diamètre à hauteur d’homme, soit à 1m,30 du sol quand ils sont sur pied, ce qui correspond à peu près pour les chênes à 6 pieds de tour au milieu de la longueur du fût.