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soins. C’est d’abord de ne faire passer les arbres de l’état de massif à l’état de complet isolement que peu à peu, à l’aide de plusieurs coupes et en une période assez longue, dix, quinze, vingt années, ou plus encore ; c’est surtout d’émonder le plus tôt possible les branches gourmandes qui se produisent le long des fûts, déplacent le courant principal de la sève, et amènent la mort des branches supérieures de la cime : cet élagage doit être fait rez-tronc et répété quand les branches gourmandes se reproduisent ; c’est enfin de ne procéder à la coupe définitive des arbres voisins que quand le sol est bien recouvert à nouveau par un jeune massif. Les plus beaux chênes de nos futaies ont été autrefois réservés de la sorte. On en voit encore de magnifiques spécimens, âgés de trois à quatre cents ans et mesurant de 1 à 2 mètres de diamètre, dans la plupart de nos futaies de chêne : dans la grande forêt de Haguenau, en Alsace, dans la jolie petite forêt de Bourse et dans la curieuse forêt de Perseigne, toutes deux situées auprès d’Alençon, dans celle de Bagnolet et autres des environs de Moulins. Il est même quelques-uns de ces ! arbres qui ont reçu un nom connu des populations, comme le chêne Saint-Louis à Bellême et le chêne Louis XIV dans la forêt de Blois.

Il serait facile de se rendre compte approximativement pour chaque forêt, pour chaque centre de production, des résultats que peut donner cette réserve générale des chênes d’avenir dans les futaies. Si par exemple, dans une futaie de 800 hectares exploitée à la révolution de cent soixante ans, on trouvait en moyenne une dizaine de chênes à réserver par hectare, il y en aurait cinquante à garder chaque année ; dans trente ans, chacun de ces arbres ayant grossi, on pourrait alors, c’est-à-dire précisément à l’époque menacée de pénurie, disposer d’une partie de ces bois de première utilité, dont le volume total pour cinquante chênes serait de 150, 200, 250 mètres cubes peut-être. Ceci représenterait pour 800 hectares un quart de mètre cube par hectare. Pour nos 200,000 ou 300,000 hectares de futaies de chênes, ce serait déjà de 50,000 à 75,000 mètres cubes à précompter sur le déficit annuel de 1 million dont nous sommes menacés ; mais ce n’est là qu’un chiffre beaucoup trop faible, car dans nos futaies irrégulières il y a souvent bien plus de dix chênes à réserver par hectare ; puis ces arbres ont en général un avenir de plus de trente années, et le volume qu’ils auraient à maturité dépasserait souvent le chiffre de 3, 4 ou 5 mètres cubes. En réalité, c’est d’au moins 100,000 mètres cubes par an que l’avenir bénéficierait, grâce à une légère économie dans le présent. On dira peut-être : Ce n’est là que de l’épargne. — Oui, c’est de l’épargne ; mais la production ne peut être développée qu’à ce prix.