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et les plus variés ; sans parler de toutes les brochures qui ont été publiées en France, en Allemagne, en Belgique, sur les opérations militaires et sur la conduite politique du maréchal Bazaine, quelques témoins oculaires dignes de foi, des officiers supérieurs de l’armée, des habitans de Metz, ont bien voulu nous communiquer les notes prises par eux dans toute la sincérité de l’impression du moment, à mesure que les événemens se déroulaient sous leurs yeux.

Avons-nous besoin de dire qu’en rapprochant et en comparant ces documens, nous ne cherchons que la vérité ? Ce ne sera point notre faute si elle prend trop souvent l’apparence d’un reproche ou d’une accusation ; il ne dépend pas de nous de changer les faits, il ne convient même pas de les atténuer. L’honneur de l’armée, indépendant des résolutions du général en chef, la conscience publique des Messins qui demandent une enquête, auxquels leur infortune donne le droit d’être entendus, exigent que la vérité soit connue tout entière sans vaines réticences, sans ménagemens calculés pour les personnes. Il ne s’agit point ici de récriminations stériles. Qui pourrait prendre plaisir à relever sans nécessité les fautes commises, à rabaisser des hommes dont la réputation fait partie. du patrimoine commun de la France, dont le mérite ne peut être amoindri sans que la gloire nationale elle-même en paraisse diminuée ? Il s’agit de remplir un devoir douloureux, mais nécessaire, d’accorder aux plus touchantes victimes de la campagne, à des soldats qui sortent de prison, à des Français séparés de la France, la seule consolation qui puisse adoucir l’amertume de leurs regrets. Les uns ont souffert de la faim et de la captivité ; les autres souffrent encore de la domination étrangère. Montrons-leur du moins que nous ne les rendons à aucun degré responsables de leur malheur. Le pays doit savoir tout ce qu’ils ont fait pour défendre le pays, tout ce qu’on aurait pu leur demander encore de sacrifices, si on avait voulu se servir à temps de leur courage et de leur patriotisme.


I

Il reste peu de chose à dire sur les malheureux débuts de la campagne de 1870. En réalité, nous n’étions prêts à rien, pas même à porter chez l’ennemi la guerre que nous venions de lui déclarer ; on l’aurait vu tout de suite, si l’on avait essayé de franchir la frontière ; à plus forte raison n’avions-nous fait aucun préparatif pour la guerre défensive. A Strasbourg, on ne laissait en face de l’ennemi qu’une garnison insignifiante ; à Thionville, la garde mobile réclamait en vain des armes ; à Metz, on ne lui distribuait que des fusils