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L’opinion émise le 26 août par le conseil de guerre sur la convenance de ne pas quitter Metz décida en partie des événemens ultérieurs. Plusieurs de ceux qui l’exprimaient ne renonçaient point à l’action pour cela, ils limitaient simplement le champ de leurs opérations ; mais le maréchal, peu disposé aux grandes entreprises, effrayé peut-être, comme le croit le général Deligny, de la possibilité d’un désastre, s’arma de l’avis unanime de ses collègues pour ne plus rien tenter de hardi. Il y eut un jour néanmoins où on se reprit à espérer, où l’armée put croire qu’on allait la conduire vigoureusement au combat. Ce fut la journée du 31 août, qui parut généralement inexplicable, qui le serait en effet si la délibération du 26 n’éclairait ce mystère.

Averti le 30 par une dépêche du maréchal de Mac-Mahon que celui-ci s’avançait à son secours vers Montmédy, le commandant en chef de l’armée du Rhin comprit l’impossibilité de demeurer immobile et la nécessité de tenter quelque chose vers le nord. Il livra le combat de Sainte-Barbe pour répondre à la nouvelle qu’il venait de recevoir, mais sans se croire obligé à de grands efforts. Depuis que le conseil de guerre avait exprimé le vœu que l’armée fût maintenue autour de Metz, la responsabilité personnelle du maréchal Bazaine était officiellement dégagée ; rien ne l’obligeait plus à partir : il pouvait toujours se retrancher derrière l’opinion de ses subordonnés. Il lui suffisait de donner à son collègue et à l’empereur une preuve de sa bonne volonté par une démonstration imposante sur la route du nord. Dans le cas où cette démonstration ne réussirait pas, on en serait quitte pour se replier sous le canon des forts. On invoquerait la difficulté de l’entreprise, la supériorité écrasante de l’ennemi, l’obligation morale de ne pas abandonner la ville de Metz à ses seules ressources. On serait à l’abri de tout reproche, on aurait fait de son mieux et mis toute l’armée en ligne le jour même où l’on apprenait la marche du maréchal de Mac-Mahon ; on n’aurait reculé que devant des obstacles invincibles. Après cet effort impuissant, on retrouvait le droit de donner du repos à l’armée, de la reconduire dans ses cantonnemens, autour de la forteresse, et de reprendre cette attitude expectante qu’on avait gardée depuis le 18 août.

Le tort du maréchal, en cette circonstance, n’était pas, comme beaucoup le croient, de rester sous Metz. S’il eût percé les lignes ennemies le jour du désastre de Sedan, son armée eût pu être cernée par quatre armées prussiennes qui l’auraient écrasée. Dans l’ignorance où il se trouvait de ce qui se passait loin de lui, il agit avec prudence en ne s’aventurant pas vers le nord. Sa faute fut bien moins ce jour-là de n’avoir pas marché sur Thionville que de