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Serait-il donc si difficile d’introduire les usages commerciaux dans la gestion des affaires de l’état ? Le personnel gouvernemental n’y est aucunement préparé ; c’est là le plus sérieux obstacle. Il y aurait une éducation nouvelle, disons le mot, un nouvel apprentissage à faire ; mais, comme il s’agit d’hommes en général instruits et intelligens, ce serait vite fait. Peut-être y aurait-il à craindre plutôt des répugnances. Les fonctionnaires y perdraient, c’est incontestable, certaines prérogatives dont ils sont parfois très fiers ; ils n’auraient plus le même apparat. Les fonctions publiques ne seraient plus environnées d’une considération innée que le vulgaire admet sans se l’expliquer. Au fond, ce ne sont que préjugés dont la perte serait peu sensible aux hommes de bon sens. On raconte qu’à l’époque où M. Mollien voulut organiser la comptabilité du trésor suivant les règles du commerce, Napoléon y fit la plus vive résistance. L’empereur croyait de bonne foi que les finances de l’état étaient quelque chose de beaucoup plus noble que les opérations d’une maison de banque ; l’assimilation des caisses publiques à celle du plus modeste négociant le choquait. M. Mollien tint bon, et finit par faire prévaloir ses idées. L’heureuse innovation qu’il introduisit, il y a soixante ans, d’ans la gestion des receveurs-généraux doit être étendue aujourd’hui à toutes les branches des services publics.

Quelques exemples suffiront à montrer comment la règle du percentage s’applique à tout, aux fonctions purement administratives aussi bien qu’aux règles financières et à l’exploitation des monopoles que l’état se réserve. La division administrative du territoire en départemens est un fait acquis que l’on s’accorde à mettre hors de discussion, puisque les projets de décentralisation les plus hardis ne l’entament pas ; mais on discute le traitement des préfets et le nombre des sous-préfets, on se demande s’il est utile de conserver des secrétaires-généraux auprès de toutes les préfectures, toutes questions qui sont du domaine du pouvoir exécutif, et que le législateur n’examine que parce qu’elles touchent au budget. S’il était admis que le pouvoir exécutif doit faire face, dans chaque, département, aux besoins de l’administration générale avec une part, une fois fixée, de l’impôt, — un ou deux dixièmes pour cent par exemple, — la solution de toutes ces questions, qui sont de son ressort exclusif, lui reviendrait sans conteste. Il n’y aurait, il est vrai, nulle uniformité d’un département à l’autre ; mais qu’importe ? Les départemens sont-ils donc identiques en population, en importance, en besoins matériels, qu’on veuille les régenter tous d’après une règle uniforme ? Le système du tant pour cent s’applique plus facilement encore aux administrations financières chargées de percevoir les impôts ; d’ailleurs ces administrations, que