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élections dont le résultat, sauf dans quelques villes, fait présager le succès de la politique de M. de Hohenwarth. La Hongrie constituée, la Bohême réconciliée, la Galicie satisfaite dans quelques-unes de ses aspirations et replacée dernièrement sous la direction d’un de ses hommes les plus éminens, le comte Goluchowski, c’est beaucoup ; mais déjà les Allemands crient, ils prétendent que c’est le démenti de la politique dont ils ont cru voir un instant le triomphe à Gastein ; ils menacent de faire ce que les Tchèques ont fait pendant longtemps, de s’abstenir, de se retirer du Reichsrath. Cette agitation des Allemands de l’Autriche n’eût-elle point des conséquences immédiates par suite d’une condescendance momentanée et intéressée de la Prusse, elle est toujours une menace, une arme dont M. de Bismarck saura se servir quand il le faudra. On voit combien tout cela est facile à concilier, et comment il a pu se former une alliance bien sérieuse entre deux puissances que les prévisions de l’avenir séparent autant que les souvenirs du passé !

Quant à l’Italie, nous nous demandons en vérité ce qu’elle serait allée faire à Gastein. Elle n’y est point allée, elle n’a pris aucune part à ces mystérieuses conférences, si nous ne nous trompons. C’était la seule conduite qu’elle eût à tenir. Quel intérêt aurait-elle à une alliance avec la Prusse et surtout à une alliance qui semblerait dirigée contre la France ? Elle n’a plus besoin d’alliée pour aller à Rome, elle y est, elle est établie dans cette capitale tant enviée, elle a remplacé le pouvoir temporel des papes. Il est évident aujourd’hui que tout ce que la France peut lui demander, c’est de laisser assez de sécurité et de dignité au souverain pontife pour que dans un moment d’émotion plus vive l’illustre déshérité du patrimoine de saint Pierre ne cède pas à la tentation de se jeter en proscrit sur les chemins du monde. C’était la dernière question qui pût susciter des ombrages entre l’Italie et la France, elle a disparu ; le fait est accompli et reconnu par le chef même d’un gouvernement qui, de son propre aveu, n’eût pas conduit la politique de la France au-delà des Alpes pour y faire ce qu’elle y a fait, mais qui a trop d’expérience pour prétendre reconstruire le passé et remonter le courant des choses. Or, cette question romaine une fois écartée, que reste-t-il, si ce n’est des raisons de cordialité et d’intime communauté d’action entre les deux pays ? Le gouvernement français en est convaincu, nous n’en doutons pas ; ceux qui ont voulu comprendre le discours de M. Thiers, il y a quelque temps, ne s’y sont pas mépris, et le libéralisme prévoyant du ministre des affaires étrangères, M. de Rémusat, est la plus sûre garantie de la direction de notre politique au-delà des Alpes ; mais il faut que l’Italie à son tour facilite au gouvernement français la réalisation de la politique qu’il veut suivre, il faut que le ministère de Rome ou de Florence, comme on voudra l’appeler, atteste par ses actions, comme par ses paroles, ces sympathies pour la France qui sont certainement