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L'INVASION
DANS LES
DEPARTEMENS DU NORD


I

Le 2 septembre 1870, on attendait dans le département de l’Aisne la nouvelle d’une grande victoire du maréchal de Mac-Mahon : c’est la nouvelle des batailles de Beaumont et de Sedan qu’apportent les troupes du général Vinoy en se repliant sur la route de Mézières à Laon et les fuyards qui se dirigent par tous les chemins vers les places fortes du nord. Bientôt apparaissent les éclaireurs ennemis. Le 6 septembre, trente uhlans arrivent au pied de la montagne de Laon, quelques heures après le départ des derniers soldats de Vinoy, et le plus tranquillement du monde, comme s’il n’y avait jamais eu de citadelle sur la colline escarpée, ou qu’ils n’eussent qu’à se présenter pour trouver bon gîte et le reste, ils montent par la rampe de Vaux. Ils étaient à vingt mètres de la porte, l’officier qui marchait à leur tête allumait un cigare et préparait son attitude de vainqueur, quand des coups de feu retentissent ; la petite troupe tourne bride et s’enfuit au galop, laissant derrière elle quelques cavaliers démontés. C’était la première résistance que l’ennemi rencontrait dans le département : était-ce le commencement de la lutte, et le pays se sentait-il en mesure d’y persévérer ?

Le 1er septembre, le préfet de l’Aisne avait tracé, dans une communication adressée à la presse, un tableau fort animé des dispositions belliqueuses du département : partout des compagnies de francs-tireurs s’organisaient ; la population demandait des armes, elle annonçait l’intention de résister, même sans fusils et sans équipement, et le préfet rappelait qu’en vertu de la loi du 29 août 1870,