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l’église byzantine a perdu de son ancienne splendeur. Le catalogue officiel, que le patriarcat de Constantinople réimprime tous les ans, indique pour cette circonscription douze sièges épiscopaux. Il est impossible de découvrir à quelle époque ils ont cessé d’être occupés : l’archevêché de Philippopolis ignore même dans quels cantons ils se trouvaient. Il n’y a plus pour la province qu’un archevêque et un évêque. L’évêque réside également au chef-lieu, bien qu’il soit titulaire de Leukis ; ce dignitaire n’a aucune idée du lieu où était située cette ancienne ville, et du reste c’est là le moindre de ses soucis. Les monastères ont disparu comme les évêchés, on en rencontre les ruines dans presque toutes les grandes vallées du Rhodope qui s’ouvrent sur la Maritza. Le seul important aujourd’hui est celui de Batskovo ; il n’a de remarquable que l’église. Les cellules, la salle de réception et le réfectoire sont des taudis auxquels je préfère la plus misérable cabane bulgare. Les caloyers (les moines, d’après l’étymologie les bons vieillards) ont toute la grossièreté du paysan sans en avoir la bonhomie et le naturel. Ce qui compense les ennuis d’un séjour chez de pareils hôtes, ce sont les belles peintures de leur église ; les unes représentent des grands seigneurs du temps des Comnènes, les autres offrent de beaux spécimens de fresques religieuses byzantines de la vieille école de Panselinos. Au milieu des figures de saints, on voit un Socrate peint sous les traits d’un jeune Slave et portant une banderole sur laquelle on lit en grec : « il prendra la chair de l’homme et sera crucifié, heureux ceux qui entendront sa parole, » — un Aristote un peu plus vieux accompagné de ces mots : « en ce jour, la lumière de la sainte Trinité brillera sur tout l’univers. » Les moines actuels ressemblent bien peu à ceux qui, par admiration pour la sagesse antique, mettaient Socrate et Aristote à côté des martyrs de la foi. Ils vous apprennent d’un ton doctoral que Dieu a créé le monde en six jours, et que l’arche de Noé s’est arrêtée sur le mont Ararat en Arménie. Dire qu’ils sont ignorans serait presque un éloge. Ils sont entrés tout jeunes dans le monastère ; leur enfance s’est passée à faire la cuisine et à laver les plats tout en apprenant quelques formules. Insensiblement ils ont grandi, leurs traits naturellement fins ont perdu toute beauté grecque, ils se sont alourdis et épaissis ; leur intelligence se borne à une certaine habileté dans leurs rapports avec leurs tenanciers et avec les Turcs. C’est parmi ces moines que se recrutent les évêques et les archevêques auxquels les Bulgares ne veulent plus se soumettre.

Le clergé de la Grèce propre et des communautés helléniques de Turquie ne vaut pas mieux que celui des pays bulgares ; bien peu de Grecs cependant se prennent à penser que de ce côté quelques réformes seraient souhaitables. C’est toujours une surprise pour les