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Les pragmatiques et les concordats, qui réglaient les rapports entre l’église et l’état, étaient des lois qu’il fallait présenter au parlement et qui étaient soumises à son contrôle. Les édits bursaux ou lois de finance devaient lui être portés, et il fut toujours reconnu jusqu’en 1789 qu’aucun impôt ne pouvait être régulièrement établi et légitimement perçu, s’il n’avait été enregistré par le parlement. Les traités de paix et d’alliance étaient considérés aussi comme des actes législatifs, et ils étaient sujets par conséquent à la vérification et à l’examen du corps judiciaire. Comines, qui savait mieux que personne les usages et les règles de la diplomatie, dit formellement que « c’est la coutume de France de publier tous traités de paix en la cour de parlement, ou autrement ne seraient de nulle valeur. » On peut remarquer dans l’histoire de Louis XI qu’après l’entrevue de Péronne et le sac de Liège il fut heureux de pouvoir s’éloigner enfin de son ennemi en lui donnant cette raison, « qu’il devait aller à Paris faire publier leur appointement en la cour de parlement. » François Ier le consulta sur le traité de Madrid. On vit plus d’une fois des souverains étrangers exiger que les traités fussent enregistrés au parlement, comme si la signature du roi de France ne leur suffisait pas. Aussi trouve-t-on parmi les actes du parlement de Paris presque tous les traités de paix enregistrés à leur date. Il devait arriver quelquefois que la cour donnât son avis, et en général c’était celui du patriotisme. En 1593, dans un moment à la vérité où la France n’avait plus de monarchie, où elle était sous l’étreinte de l’Espagne, le parlement rendit un arrêt solennel par lequel il ordonnait « qu’aucun traité ne se fît pour transférer la couronne en la main de princesse ou prince étranger, déclarant tel arrangement de nul effet et valeur. » Les testamens des rois lui étaient présentés. En cas de minorité, le gouvernement lui-même s’adressait à lui pour qu’il décidât à qui devait appartenir la régence. Ainsi le corps judiciaire se trouvait mêlé à toute la vie politique ; par son droit de vérification et d’enregistrement, il avait un contrôle sur l’administration financière, sur l’église, sur la diplomatie, sur tous les intérêts généraux et sur la constitution même de l’état. On peut dire que l’ancien régime était une monarchie absolue, mais une monarchie qui ne pouvait agir qu’avec l’aveu et le concours du corps judiciaire.

Beaucoup d’historiens modernes trouvent injustifiable cette autorité d’un corps qui, n’ayant pas été élu par la nation, n’avait aucun droit à la représenter ; c’est juger les choses anciennes d’après nos idées modernes. Dans l’ancien régime, il n’y avait presque aucun esprit qui conçût le principe de la représentation, et c’est surtout pour ce motif que les états-généraux ne furent jamais une