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l’étonnement de Constantinople jusqu’à ce qu’un autre bruit plus sérieux vînt remplacer celui-là. On sut que l’empereur Honorius réclamait ce double droit de tutelle en sa qualité d’oncle du jeune prince et de fils du grand Théodose ; il avait même désigné, disait-on, celui de ses officiers qui prendrait l’administration du domaine oriental pendant la minorité : cet officier devait être Stilicon. Or l’empire d’Orient n’avait pas d’ennemi plus odieux que Stilicon ; c’était à lui, à ses entreprises armées pour enlever l’Illyrie orientale à Constantinople, qu’était due la funeste guerre qui, de 395 à 399, avait ruiné la Thessalie, le Péloponèse et l’Epire, et jeté la nation des Goths à travers les provinces grecques sur l’Italie, La seule idée d’avoir Stilicon pour régent frappa d’une telle épouvante le sénat et le peuple de Constantinople que, prenant les devans, ils constituèrent à l’instant même un conseil chargé de l’éducation du prince et de la gestion du gouvernement. La présidence en fut déférée au patrice Anthémius, personnage considérable et le plus estimé des hauts fonctionnaires de l’Orient. Cette sage mesure coupa court aux intrigues du gouvernement occidental en même temps qu’elle était une réponse aux bruits répandus sur la tutelle du roi de Perse.

Fable ou non, ce dernier projet, parvenu par la rumeur publique aux oreilles d’Iezdjerd, ne l’avait point trouvé incrédule. C’était un usage consacré dans les familles royales de la Perse que le prince régnant confiât à d’autres rois, ses amis ou ses alliés, l’éducation de ses fils lorsqu’ils étaient plusieurs, afin de prévenir par leur éloignement les factions et les brigues, si fréquentes à la cour du grand roi. Iezdjerd lui-même, se conformant à la coutume, avait envoyé son second fils Bahram à la cour du roi arabe d’Hirah, son ami, tandis que son fils aîné s’emparait du trône d’Arménie. Il n’avait donc vu dans sa désignation comme tuteur de l’héritier d’Arcadius qu’une marque de bonne amitié et de confiance de la part de l’empereur défunt. Toutefois, comme le gouvernement de Constantinople ne lui notifiait rien, il prit son parti en homme sensé, et ne revendiqua de ses droits prétendus de tutelle que celui d’être utile au fils d’Arcadius en lui donnant un précepteur. Il y avait alors à la cour de Perse un rhéteur grec du nom d’Antiochus, ancien esclave d’un noble persan parent du roi, et que celui-ci considérait comme un trésor d’éloquence et d’érudition, car Iezdjerd s’était épris de passion pour la civilisation romaine, qu’il singeait de son mieux, et nous verrons qu’il poussa cette inclination presque jusqu’à se faire chrétien. Il réclama donc près du conseil de régence l’unique privilège de donner ce précepteur au jeune Romain, dans lequel il voyait toujours un pupille. Antiochus au fond était un homme d’un