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décider, qu’elle eût recours à celui de ses amis qui exerçait le plus d’influence sur lui, ce jeune Paulinus dont nous avons déjà parlé, son ancien compagnon d’études et le confident habituel de ses projets. Pulchérie s’adressa donc à lui pour qu’il l’aidât près de son frère. Elle le mit en rapport avec Athénaïs, et celui-ci, enthousiaste de la poésie et des lettres non moins que de la beauté, plaida chaudement pour ce mariage près de l’empereur, et finit par l’emporter. Ce petit complot établit entre les deux jeunes femmes et Paulinus des relations d’amitié qui se développèrent dans la suite. Athénaïs, le regardant comme l’auteur véritable de son mariage, l’appelait son paranymphe, et Pulchérie de son côté ne fut pas sans apprécier dans ce jeune homme une sagesse précoce, jointe à toutes les grâces du corps et de l’esprit. Voilà ce qu’on peut inférer des auteurs contemporains ou voisins du temps sur une affaire restée naturellement très secrète. Nous n’y mêlerons pas les enjolivemens qu’y ajoutèrent les Grecs du moyen âge, vrais inventeurs du roman historique, par exemple cette circonstance que Pulchérie aurait fait cacher son frère et Paulinus derrière un rideau pour leur montrer Athénaïs, et que les jeunes gens, éblouis de sa beauté, en seraient devenus épris tous les deux. De telles inventions ne sont dignes ni du caractère sérieux de Pulchérie ni de la gravité de l’histoire.

Le mariage enfin conclu fut célébré le 7 juin de l’année 421, au milieu des plus belles fêtes qu’on eût encore vues à Constantinople. Parmi les spectacles. dont jouit à cette occasion la ville impériale, il y en eut un qui étonna plus que tous les autres une population frivole et ignorante. La nouvelle du mariage d’Athénaïs avec l’empereur d’Orient avait mis en émoi, comme on pense bien, tout le peuple des sophistes athéniens, et sept d’entre eux, anciens compagnons de Léontius, partirent pour assister aux fêtes, curieux de voir briller sur le front de cette fille de sophiste, presque sophiste elle-même, le diadème des impératrices. Venus à Constantinople et accueillis à la cour avec bienveillance, ils furent, là comme à la ville, l’objet d’un empressement tant soit peu moqueur. Ils portaient le manteau, signe distinctif de leur profession, et s’en montraient aussi fiers que le général de son baudrier et l’évêque chrétien de son pallium. Promenés dans tous les recoins de la grande cité par des officiers impériaux, ils avaient peine à se faire jour au travers d’une foule ébahie, qui croyait voir en eux les sept sages de l’ancienne Grèce, ces personnages à demi fabuleux dont on cite de si fameux apophthegmes. On épiait leurs paroles, on recueillait religieusement tout ce qui semblait leur échapper, et, à l’instar de leurs prédécesseurs des temps héroïques, les sept sages nouveaux