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d’en douter en voyant les fautes commises ; un exemple très récent en fournira la preuve. Tout le monde a entendu parler d’un puceron[1] apparu dans les vignobles du midi de la France il y a peu d’années, qui maintenant se propage avec rapidité et cause d’incalculables préjudices. Les propriétaires de vignobles étourdissent le pays de leurs lamentations : les voilà ruinés. Le gouvernement s’émeut, le ministre de l’agriculture nomme une commission, et se décharge ainsi de toute responsabilité. Il y a dans la commission, à côté de personnages dont le rôle en cette affaire n’est pas facile à discerner, des savans qui sont l’honneur et la gloire de la France ; mais, désarmés, ils se contentant de donner quelques indications générales dont n’aurait nul besoin celui qui serait en état de produire un travail vraiment utile. On suit de vieux erremens indignes de la science et funestes aux intérêts qu’on prétend servir. On propose un prix de 20,000 francs « à l’inventeur du meilleur procédé destiné à combattre efficacement les ravages du phylloxéra vostatrix. » Un programme est donné, et dans cette pièce curieuse on lit : « Toute personne qui voudra concourir pour le prix de 20,000 fr. devra adresser au ministre de l’agriculture et du commerce une notice sur son invention ; — ne seront admises au concours que les personnes pouvant fournir à l’appui de leur demande des certificats attestant que le moyen proposé a déjà été soumis à l’épreuve de l’expérience pratique. » On croit rêver en lisant un pareil document, et l’on voudrait se figurer qu’il remonte au moyen âge. Espère-t-on de cette manière provoquer autre chose que des observations mauvaises ou fort incomplètes, et surtout répandre l’idée que le hasard, faisant rencontrer une matière qui possède la propriété de tuer l’insecte sans nuire à la plante, offrira l’occasion de gagner une bonne somme sans grand effort d’intelligence ?

Admettez la possibilité de l’action efficace d’une substance, on ne sera pas beaucoup plus avancé ; le remède tout empirique dont on aura fait usage peut-être en un moment avec une apparence de succès échouera dans d’autres circonstances sans qu’on en comprenne la raison. Le programme émané de l’administration n’excite pas à l’étude sérieuse, il encourage l’esprit d’intrigue. Ce qu’on devait demander, c’est une étude très parfaite de l’animal nuisible, de son organisation, des conditions de son existence, de son mode de propagation. Malheureusement il semble que parmi nous on ne se persuadera jamais que, pour vaincre sûrement un ennemi, la première obligation est de le bien connaître. Maintenant dirons-nous ce qu’il faudrait de talent d’observation et de connaissances acquises sur les animaux du même groupe pour exécuter un beau

  1. Le phylloxéra vastatrix.