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A M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.

Rehon, 7 octobre 1871.

Monsieur,

La longue lettre de M. le général Coffinières de Nordeck que m’apporte la Revue du 1er octobre est la meilleure confirmation du jugement que j’ai porté sur les douloureuses péripéties du blocus de Metz. Je crois avoir démontré par des argumens irréfutables qu’il s’est commis de grandes fautes, qu’on n’a point fait tout ce qu’on aurait pu faire pour sauver la ville, pour épargner à l’armée une désastreuse capitulation. M. le général Coffinières le reconnaît comme moi ; il ajoute même aux preuves que j’ai données quelques argumens nouveaux.

Comment ne pas croire, par exemple, un juge aussi autorisé que lui dans les questions d’art militaire, lorsqu’il affirme qu’à la date du 26 août la place de Metz abandonnée à elle-même, sans le secours de l’armée, était en mesure de résister plus de quinze jours aux attaques des Prussiens ? Ainsi s’évanouit l’un des motifs principaux que le maréchal Bazaine invoque pour justifier l’immobilité de l’armée autour de Metz. J’avais combattu l’assertion toute gratuite du commandant en chef par des raisons de simple bon sens ; quelle force nouvelle n’ajoute pas à ces raisons le témoignage d’un général de division du génie, chargé spécialement de la défense de la place ! Puisque M. le général Coffinières est d’accord avec moi sur ce point, il eût pu ne pas se reconnaître dans la page 416 de mon travail ; où je ne le nomme ni ne le désigne, et se dispenser d’une réfutation sans objet, il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai point dit. Dans le passage cité par mon honorable contradicteur, je n’examine point la situation réelle, mais ce qu’eût été la situation, si, comme le prétend le maréchal Bazaine, on n’eût pas assuré la défense de la place pour plus de quinze jours. C’eût été, je le répète, « une faute impardonnable. » M. le général Coffinières, ne l’ayant point commise, ne tombe point sous le coup de ma critique. C’est un débat à vider, non entre lui et moi, qui ne l’ai pas mis en cause, mais entre lui et le commandant en chef de l’armée du Rhin.

C’est encore du maréchal Bazaine, et non de moi, qu’il convient de se plaindre, si j’ai été « imparfaitement renseigné » sur le résultat du conseil de guerre tenu le 10 octobre. J’ai employé presque textuellement pour en rendre compte les expressions dont se sert le commandant en chef dans son Rapport sommaire sur les opérations de l’armée. Le maréchal Bazaine affirme qu’en réponse à trois questions posées par lui, il fut voté à l’unanimité « que l’armée tiendrait sous les murs de Metz jusqu’à l’entier épuisement de ses ressources alimentaires, qu’on ne ferait plus d’opérations autour de la place pour essayer de se procurer