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de petits hôpitaux temporaires. Le médecin seul est compétent pour apprécier.les conditions nécessaires à une bonne installation ; il faut agir sûrement et vite, ce qu’on ne peut obtenir sans l’unité de direction, — et puisque le service d’un hôpital exige des aptitudes spéciales, impose des devoirs spéciaux, c’est celui qui personnifie au plus haut degré ces aptitudes et ces devoirs qui doit être chargé de faire concorder vers un même but tous les efforts individuels. C’est ainsi qu’on en a jugé en Prusse, et depuis 1863 la direction des hôpitaux de guerre (Feld-Lazareth)’ est attribuée exclusivement aux médecins militaires. Les faits ont montré qu’ils étaient à la hauteur de la mission qui leur était confiée.

Pendant que je suivais au Slesvig les opérations de l’armée prussienne, j’ai été frappé de la propreté, du confort, de la bonne tenue des hôpitaux et ambulances établis à Flensbourg, à Nubel et dans la tranchée devant Duppel. L’expérience de la guerre de 1866 ne fut pas moins favorable, et nous avons tout lieu de croire que celle de 1870 a confirmé les enseignemens du passé. Après les batailles de Borny et de Gravelotte, pendant le blocus de Metz, chargé plusieurs fois d’aller redemander aux Prussiens la remise de nos blessés tombés entre leurs mains ou d’opérer des échanges, j’ai eu l’occasion de parcourir en détail les Feld-Lazarethe prussiens, c’est-à-dire les hôpitaux de guerre établis dans les villages au sud de Metz, et je dois déclarer en toute vérité que nos blessés, moins de vingt-quatre heures après la bataille, étaient tous couchés, pansés et nourris, que tous sans exception se louaient des soins qui leur avaient été donnés, que souvent aux larmes de joie que je voyais couler en annonçant à nos malheureux soldats ou officiers qu’ils étaient libres, que j’allais les ramener à Metz, se mêlaient des témoignages non équivoques de reconnaissance.

Aux États-Unis, le corps de santé militaire jouit d’une autonomie et d’une indépendance complètes, et les résultats chirurgicaux de la guerre de la sécession ont été merveilleux. C’est avec un légitime orgueil, c’est avec l’autorité d’une grande expérience, avec l’éloquence irrécusable des faits, que notre éminent collègue le docteur Barnes, chirurgien-général de l’armée des États-Unis, montre ce que peut faire le corps médical débarrassé de fâcheuses entraves. « Jamais auparavant, dit-il, jamais dans l’histoire du monde un-si vaste ensemble d’hôpitaux ne fut créé en aussi peu de temps, jamais on ne vit en temps de guerre d’hôpitaux si peu encombrés et si largement fournis de tout ; mais ils différaient des hôpitaux des autres nations en ce qu’ils étaient dirigés par des médecins. Au lieu de placer à la tête d’établissemens consacrés au soulagement des malades et des blessés des officiers de l’armée, — qui ne sauraient comprendre ce que réclame la science médicale, et qui,