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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/132

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L’abus du drapeau ne fut pas moins grand que celui du brassard ; ce qu’on a vu à Paris, nous l’avons retrouvé partout, et surtout dans les villes menacées par l’ennemi. Le brassard satisfaisait les amours-propres, mais le drapeau était arboré souvent pour un motif beaucoup moins désintéressé. L’article 5 de la convention porte en effet que tout blessé recueilli et soigné dans une maison y servira de sauvegarde. L’habitant qui aura recueilli chez lui des blessés sera dispensé du logement des troupes, comme d’une partie des contributions de guerre qui seraient imposées. Aussi, dans les villes et même dans les villages où l’on pouvait prévoir l’arrivée prochaine des armées prussiennes, les maisons se pavoisaient par enchantement. La ville s’emplissait d’ambulances ; mais, si l’on pénétrait dans l’hôpital improvisé pour s’enquérir du nombre de lits disponibles, on apprenait le plus souvent que l’ambulance ne possédait qu’un seul lit, qui n’était parfois que celui du propriétaire ; on ignorait d’ailleurs généralement que la convention de Genève avait été modifiée le 2 octobre l’868. « Quant à la répartition des charges relatives au logement de troupes et aux contributions de guerre, dit le nouvel article, il n’en sera tenu compte que dans la mesure de l’équité et du zèle charitable déployé par les habitans. »

La neutralisation des ambulances a été, comme tant d’autres choses, mal interprétée. On s’est étonné, on s’est indigné même que des ambulances aient été faites prisonnières par l’armée allemande et rapatriées par la Belgique ou par la Suisse. Deux ambulances volontaires de la Société de secours aux blessés ont cru que la convention de Genève leur donnait le droit de traverser les lignes ennemies pour venir se joindre à l’armée de Metz. Tout cela indique peu de connaissance des lois et des nécessités de la guerre, comme de l’esprit et même du texte de la convention. Des circonstances très diverses peuvent modifier profondément la conduite à tenir. Ainsi une grande bataille a lieu : quelques ambulances, ne voulant pas abandonner leurs blessés, sont faites prisonnières ; le général en chef, — c’est son droit en vertu de l’article 3 de la convention, — les retient pour donner des soins à leurs compatriotes ; mais bientôt, les médecins de l’armée victorieuse pouvant suffire au surcroît de devoirs que la victoire même leur a imposé, les ambulances prisonnières peuvent être rendues à la liberté. Or deux cas peuvent se présenter. Les médecins prisonniers sont restés à proximité du champ de bataille, leur captivité n’a été que de peu de durée, l’armée a conservé ses positions, ou bien les mouvemens stratégiques se sont opérés à des distances telles que le général en chef n’a pas à craindre l’indiscrétion des médecins et des infirmiers tombés entre ses mains : rien alors n’empêche qu’ils ne soient directement renvoyés aux avant-postes de l’armée à laquelle ils