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convenablement un soldat blessé par armes à feu, comment veut-on que des femmes du monde ou de simples étudians en médecine soient capables de le faire ? Combien de malheureux n’avons-nous pas vus mourir ou perdre un membre qu’on aurait pu conserver, parce qu’ils avaient été entraînés dans ces ambulances privées n’ayant qu’un seul lit où aucun chirurgien ne les visitait, où la maîtresse de la maison, convertie de son chef en ambulancière, se contentait d’appliquer de la charpie ou des cataplasmes sur une blessure qui avant tout aurait eu besoin du bistouri du chirurgien ! Il y eut cependant de nombreuses et honorables exceptions. La veuve d’un de nos confrères de Paris, Mme Cahen, nous fut très utile à Metz en surveillant la lingerie de notre hôpital et la distribution des vivres et des médicamens. Le livre si intéressant publié sous le titre de Journal d’une infirmière par Mme la baronne de Crombrugghe, présidente du comité des dames belges, rend témoignage des services rendus à nos blessés à Sarrebruck, à Metz et à Cambrai par une femme intelligente, dévouée et pleine d’initiative. Nous avons traversé une période de malheurs ; mais le patriotisme ne justifie pas plus le désordre organisé dans nos armées par les gouvernemens de Tours et de Bordeaux que le dévoûment ne justifie l’épidémie des ambulances et des ambulancières. Revenons à la Prusse, puisque, hélas ! c’est toujours là qu’il nous faut aller chercher les enseignemens basés sur l’esprit de pratique et l’expérience des faits.

Les hôpitaux des sociétés de secours (Vereins-Lazarethe) doivent renfermer au moins vingt lits. Le personnel doit être agréé comme nombre et comme qualité par les autorités compétentes. L’ambulance tout entière, pour ce qui concerne le maintien de la discipline et la représentation des intérêts de l’état, est soumise à la surveillance de la commission de l’hôpital militaire le plus voisin ou d’une commission particulière composée d’un officier et d’un médecin d’hôpital. Tout ce qui concerne le service médical proprement dit est contrôlé par la direction des hôpitaux militaires, par le médecin-général de la province et ses représentans. On ne peut recevoir dans ces petits hôpitaux les soldats ayant des maladies contagieuses, ceux qui pourraient par la nature de leur blessure avoir ultérieurement droit à une pension d’invalide, ou ceux qui pour toute autre cause ont besoin d’une surveillance particulière. Les ambulances privées ne peuvent être créées qu’avec l’autorisation du commissaire royal, lequel doit faire procéder d’abord à la visite de l’établissement. Elles ne peuvent recevoir que des convalescens n’ayant plus aucun besoin des soins médicaux et seulement des soldats venant des hôpitaux militaires et désignés par le médecin en chef de l’hôpital. Il y a loin, on le voit, des abus dont nous avons été témoins l’année dernière.