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a couvert la France de petites ambulances particulières et converti tant de personnes, non pas seulement en sœurs hospitalières et en infirmières, ce qui eût peut-être été bien malgré leur inexpérience, — mais en médecins improvisés, — ce qui à coup sûr fut un mal, n’a pas contribué à augmenter la mortalité de nos blessés, à détruire ce qui restait de discipline, à soustraire des rangs de l’armée bien des soldats propres au service ? Soit ; mais disons enfin en terminant avec M. le docteur Lucas Championnière, chirurgien de la cinquième ambulance : « Nous pourrions chercher à montrer les perfectionnemens de toute sorte dont les ambulances volontaires se raient susceptibles ; nous ne donnerons pas tous ces détails parce que nous croyons que les ambulances civiles du champ de bataille ont joué leur rôle, et que ce rôle est terminé. »

En résumé, autonomie du corps de santé affranchi du joug de l’intendance, assimilation sérieuse et complète aux grades de l’armée active, — institutions d’examen de capacité pour établir l’aptitude à des fonctions plus élevées, — unification du service par la suppression de la distinction entre les médecins attachés aux corps de troupes et les médecins attachés aux hôpitaux, — telles sont les principales réformes qui nous paraissent devoir être apportées à l’organisation de la chirurgie militaire en temps de paix.

Création de détachemens de brancardiers formés de soldats préalablement instruits, désignés d’avance au nombre de trois ou quatre par compagnie d’infanterie et de chasseurs, n’agissant en cette qualité qu’au moment de la bataille, et rentrant dans le rang après le combat ; — formation de compagnies de santé composées de médecins et d’infirmiers, ayant leur matériel particulier, leur existence distincte ; — multiplication des ambulances attachées à chaque corps d’armée sur le modèle des Feld-Lazarethe prussiens ; — augmentation du nombre de médecins, — réforme complète du mode d’évacuation, — adoption du système des hôpitaux d’étapes, — direction des hôpitaux et du corps de santé confiée aux médecins, — suppression des ambulances volontaires, — enfin unification de tout le service médical entre les mains du chirurgien en chef de l’armée, — telles sont les principales réformes que réclame la médecine militaire en campagne. Ces réformes ont été opérées par la Prusse en 1863 et 1868, elles y ont amené le service des secours à un degré de perfection que nous sommes forcés de reconnaître, et surtout, ce qui est plus triste, que nous sommes forcés d’envier.


LEON LE FORT.