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celui d’exploiter les mines et ce qu’on a nommé l’avoir en terre non extrayé. Ce droit était dévolu dans tout l’empire germanique aux seigneurs haut-justiciers, et les seigneurs du Hainaut, transférés dans la puissance du roi de France, l’avaient spécialement conservé ; seulement ils avaient à se munir, comme les simples concessionnaires, d’un permis d’exploiter, garantie de police pour empêcher les exploitations de se faire obstacle les unes aux autres et de compromettre la sûreté du sol. Cet assujettissement, il est vrai, n’avait jamais été au gré des haut-justiciers, qui s’y soustrayaient le plus souvent possible, et comme dédommagement il avait fallu obliger les exploitans ordinaires à leur payer une redevance dite de l’entre-cens, lorsque l’exploitation n’avait pas lieu par les seigneurs ou pour leur compte.

Une réclamation de ce genre ouvrit pour la compagnie d’Anzin une série d’instances judiciaires qui ne s’est point interrompue jusqu’à ces derniers temps. Celle-ci ne donna lieu à aucun débat ; la loi et l’usage étaient formels. Le seigneur à qui appartenait la terre de Fresnes, le prince de Groy, réclama et obtint comme droit d’entre-cens, une rente de 2,000 livres pour tout le temps que durerait l’extraction du charbon dans sa seigneurie de Fresnes. C’était de quoi mettre en goût tous ceux qui avaient le même privilège, et il n’y eut bientôt plus dans le Hainaut, la Flandre et l’Artois de seigneur haut-justicier qui ne fût à la recherche de la richesse souterraine. L’eussent-ils négligée de leur chef, que des entrepreneurs se seraient offerts pour garder à leur charge les détails de l’exploitation en se réservant une part dans les bénéfices. Une épidémie ne marche pas plus rapidement, et à vue d’œil les prétentions grandirent ; il s’agissait non plus d’une redevance sur l’exploitation, mais de l’exploitation même. Ce fut encore le prince de Croy qui en donna l’exemple : seigneur de Condé et de Vieux-Condé, il demanda au roi une concession directe et l’obtint par arrêt du conseil du 14 octobre 1749. Non loin de là, le marquis de Cernay, seigneur de Raismes, haut-justicier comme le prince de Croy, voulut aussi aux produits de la superficie joindre l’éventualité d’un revenu souterrain. Aucune atteinte ne pouvait être plus sérieuse. Les terres de Raismes pénétraient par plusieurs côtés dans les concessions d’Anzin, et dans tous les cas des services contigus n’auraient pu manquer de se nuire. Le marquis n’en passa pas moins outre : dénaturant les faits, et sans faire cas des titres des premiers occupans, il obtint presque à leur insu, par acte royal du 3 décembre 1754, un permis d’exploitation de toute la paroisse de Raismes. A l’un et à l’autre de ces privilèges était attachée l’exemption de certains, impôts, comme le logement des gens de guerre,