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étranger pour parer aux surprises des révolutions, réserves pour établir une balance des dividendes entre les bonnes et les mauvaises années du produit net, réserves pour des transformations de matériel ou de grands travaux en perspective, réserves pour des acquisitions foncières ou des embranchemens de chemins de fer. Les fonds ainsi ménagés et répartis ne manquent jamais aux destinations nécessaires, et entretiennent en outre au profit des associés un niveau à peu près constant du revenu. C’est ainsi que dans une période défavorable, entre 1860 et 1864, le chiffre des parts a pu être maintenu entre 12,000 et 14,000 francs. Jamais d’anticipations comme on en voit ailleurs, ni de dividendes pris sur le capital ; on ne distribue que des bénéfices acquis, et pour ceux-là il suffit de puiser dans les réserves, qui ne se refusent pas non plus à la recherche de procédés nouveaux, surtout quand ils sont de nature à protéger la vie des ouvriers. Nous verrons bientôt comment la compagnie, qui a charge d’âmes, pourvoit aux besoins des dix mille ouvriers qu’elle emploie, et par quelles fondations généreuses elle les assiste dans leur vieillesse, dans leurs maladies, dans les accidens du travail, même dans leurs chômages, réalisant ainsi ce qu’on a dit d’elle, que, dans le cours de deux siècles et à travers de grandes et fréquentes révolutions, elle n’a pas un seul instant réduit à la gêne ni ses ouvriers, ni ses associés. Est-il beaucoup de compagnies qui puissent se rendre un témoignage pareil ? Celles qui ont à leur tête un coûteux état-major, gérans, administrateurs, censeurs, trésoriers, membres du conseil de surveillance, font en général avec plus d’appareil moins de besogne, moins de bien ; peut-être souriraient-elles de pitié au chiffre du dédommagement alloué aux six régisseurs d’Anzin pour leurs peines et leur responsabilité, — c’est à peu près ce que l’on donne à Paris à un chef de bureau ; mais en ceci comme pour tout le reste les traditions obligent.


II. — LE REGIME DU TRAVAIL.

On a vu comment la compagnie d’Anzin a constitué son domaine en disputant pendant un siècle et demi le terrain pied à pied ; il nous reste à voir comment et au moyen de quels instrumens elle tire parti de ce domaine.

Les superficies que huit concessions contiguës ont définitivement mises à la disposition de la compagnie embrassent, à une fraction près, 281 kilomètres situés en grande partie entre la Scarpe et l’Escaut. C’est le cas pour les concessions d’Anzin proprement dit, de Raismes, de Fresnes, d’Hasnon et d’Odomez ; Denain est à