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adjoint de sa communauté, commissaire des pauvres et marguillier de sa paroisse, » dont le billet mortuaire, daté de 1764, a été recueilli, je ne sais par quel hasard, aux manuscrits de la Bibliothèque nationale. En feuilletant les anciens registres de la chambre royale et syndicale, conservés aux archives de la bibliothèque, on y peut lire de fréquentes mentions et de nombreuses signatures de Siméon-Prosper Hardy jusqu’au 18 mars 1791, époque où les registres finissent avec la corporation. Le 15 mai 1755, sous le syndicat d’un Didot, il est reçu libraire ; le 26 juin 1771, élu adjoint au syndic, il arrive aux honneurs de sa profession ; le suffrage lui donne pour collègue un autre Didot, François-Ambroise, grand-père de l’éditeur de ce nom. Dès lors il n’oubliera plus de mentionner dans ses mémoires les cérémonies publiques où il représentera, en qualité d’adjoint titulaire ou d’adjoint honoraire, la librairie de Paris. Ce sont les dates lumineuses de sa vie, et cet éclat modeste paraît lui suffire.

De bonne heure il eut l’idée de son journal ; il était né chroniqueur. Avant même de passer maître et de s’établir rue Saint-Jacques, il rédigeait de courtes notices sur les affaires du temps : on les retrouve sur la première page du recueil ; mais il ne commença sérieusement et avec suite qu’en janvier 1764. Dès lors plus de lacunes, l’œuvre se continue jusqu’à la révolution. Tenu en grande estime par ses confrères, il ne semble pas que la prospérité de son négoce ait répondu à la considération dont il jouissait. Faut-il en accuser la politique ? On ne rédige pas impunément un journal de 4,082 pages. Quand on le voit se servir de ses livres de commerce pour y coucher par écrit ses réflexions en matière d’état sous ce titre : Mes loisirs, journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connaissance, il est permis de se défier de ce commerçant qui se donne tant de vacances, et use ainsi des registres destinés à ses comptes courans. Il ne faut donc pas s’étonner si, sur la liste des 210 imprimeurs et libraires de Paris, distribués en vingt catégories suivant l’importance de leurs impositions, Hardy n’appartient qu’à la dix-septième classe. Tandis que les maisons puissantes, les Panckouke, les Lebreton, les Barbou, les Briasson, les Duchesne, les Didot, les Durand, les Moutard, paient une somme qui varie de 100 à 200 livres, Hardy est coté à 26 livres ; pendant trente ans, ce chiffre ne change pas, ce qui prouve que ses affaires, malgré la position avantageuse de la maison et la bonne renommée du maître, restent stationnaires. En 1790, l’assemblée nationale ayant fait appel aux dons patriotiques, notre libraire-citoyen se signale par une souscription volontaire de 1,200 francs, l’une des plus fortes que contienne le rôle de la corporation ; dès que la politique et le patriotisme sont en jeu, Hardy reprend ses avantages, et passe dans la première