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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/228

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Refoulant toute leur tendresse,
Ne brûlaient que de s’aguerrir ;

Pour la seule amante permise,
La patrie, ils s’étaient levés,
Laissant la femme, la promise,
Ou les aveux inachevés ;

Il semblait que le mot « je t’aime, »
Sous la douleur enseveli,
Fût, devant le péril suprême,
A jamais tombé dans l’oubli.

Mais voici qu’à l’espoir renaissent
Les amours en secret constans,
Avec la sève ils reparaissent
Aux ordres divins du printemps :

Levant leurs paupières humides,
Encore effrayés et hagards,
Ils cherchent, revenans timides,
A croiser leurs anciens regards ;

Et puisque les prés reverdissent,
Que l’air s’embaume de lilas,
Que l’oiseau chante, ils s’enhardissent,
Ils s’appellent entr’eux tout bas.

Plus d’un n’aura pas de réponse :
De quelque fosse inculte sort
L’écho seul du nom qu’il prononce,
Son compagnon sous l’herbe dort ;

Sous l’herbe en hâte remuée
Il dort, perdu, ne recevant
Que les pleurs froids de la nuée,
Les soupirs sans âme du vent.

Ton œuvre, ô guerre, la plus triste ; ,
C’est d’ôter la main de la main,
C’est d’étouffer à l’improviste
Dans son aube un cher lendemain,