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en établissant par une décision sans appel la consubstantialité des trois personnes divines, ne s’appesantit point sur le dogme de l’incarnation. Il dit seulement, dans l’exposition de foi qui résuma ses travaux et que nous appelons son symbole, « que Jésus-Christ, fils unique de Dieu, est descendu du ciel pour notre salut, qu’il s’est incarné et fait homme, qu’il a souffert, a été enseveli et est ressuscité le troisième jour. » C’était, sous une formule générale, la croyance traditionnelle de la plupart des églises ; mais cette formule un peu vague couvrait bien des questions de détail que le concile de Nicée ne crut pas à propos de soulever. Content d’avoir achevé sa tâche, il laissait à ses successeurs le soin d’élaborer l’autre, qui ne présentait ni moins d’importance ni moins de difficulté.

Cette importance avait de bonne heure frappé les docteurs chrétiens, et l’église dans des conciles particuliers, mais nombreux, avait fixé deux termes à la liberté des hypothèses. Paul de Samosate au IIIe siècle, Photin au IVe, avaient enseigné que le fils de Marie était un pur homme illuminé par le Saint-Esprit. Cette doctrine détruisait la rédemption, qui a pour principe le sacrifice de Dieu lui-même s’offrant en holocauste pour notre rachat : elle n’était pas chrétienne et fut anathématisée par les conciles soit en Orient, soit en Occident. Au IVe siècle, Apollinaire de Laodicée, se plaçant à un point de vue diamétralement opposé, prétendit que Jésus-Christ était Dieu, mais non pas homme, le Verbe divin ayant pris dans le sein de Marie une chair créée d’autres élémens que ceux de la nature humaine, dont il n’avait que l’apparence. Cette doctrine ne détruisait pas moins que la première la réalité de la rédemption, puisqu’il fallait un homme en même temps qu’un Dieu pour racheter le crime d’Adam, et plusieurs conciles la condamnèrent comme hérétique. Ce furent les deux barrières posées par l’église aux limites où les doctrines cessaient d’être chrétiennes. Entre ces deux points extrêmes régnait l’opinion traditionnelle avec une grande latitude d’interprétation, puisque rien n’avait été défini des questions secondaires qui s’y trouvaient renfermées. Aussi voyait-on se produire, vers l’époque dont nous nous occupons, beaucoup d’opinions diverses soit dans l’enseignement des évêques à leur troupeau, soit dans la rédaction d’expositions de foi ou de symboles qui circulaient de main en main sous des noms pour la plupart respectés, et où l’on essayait de résoudre les questions qui tourmentaient les esprits. Il était évident pour des spectateurs attentifs que l’église chrétienne était dans un travail d’enfantement pareil à celui qu’elle avait éprouvé sous Constantin, et qui avait donné le concile de Nicée.

Tel était l’état des choses lorsque l’archevêque de Constantinople Sisinnius laissa vacant par sa mort ce premier des sièges de