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la moindre part, ont eu leur contre-coup à Berlin et à Francfort en compliquant les négociations engagées à la suite du traité de paix. Tant que dure l’occupation, la politique la plus sage et la plus prudente ne peut se garantir contre ces périls, qui ne cesseront qu’avec le départ des Allemands. Notre intérêt et notre dignité, d’accord avec le patriotisme, commandent donc de placer en première ligne, dans nos désirs comme dans les devoirs du gouvernement, l’évacuation du territoire.

La France était-elle en mesure de payer immédiatement le quatrième demi-milliard, exigible seulement le 1er mai 1872, afin d’obtenir du même coup que l’occupation fût réduite aux six départemens de la frontière ? Telle était la question. Dans le discours qu’il a prononcé à l’assemblée nationale le 16 septembre, M. le président de la république a déclaré que matériellement ce paiement immédiat ne serait pas impossible ; mais, après avoir exposé le mécanisme de trésorerie à l’aide duquel on avait acquitté déjà 1 milliard 500 millions, il démontra qu’un nouvel effort à ce moment risquerait de provoquer une perturbation dans le cours des changes et une grave crise monétaire. Les événemens se sont chargés de justifier sur ce point la prévoyance de M. Thiers. La crise monétaire est venue ; elle s’est déclarée en octobre et aggravée dans ces derniers jours. Faut-il l’attribuer aux paiemens considérables qui ont été déjà faits à l’Allemagne ? Doit-on lui assigner d’autres causes générales ou locales, et y voir l’effet de la spéculation ou de la panique ? C’est ce que nous craindrions de décider, la question étant fort complexe et ne pouvant être résolue que sur des documens certains qui nous font défaut ; toutefois il est probable que les recouvremens de fonds auxquels ont donné lieu les 1,500 millions versés à l’Allemagne ne sont pas étrangers à cette crise du marché monétaire, et il est indubitable que la crise serait bien plus intense, si, dans l’ardeur d’un patriotisme irréfléchi, le gouvernement français avait voulu procéder sans délai au paiement du quatrième demi-milliard, échéant en 1872. M. le président de la république a donc vu juste lorsqu’il s’est refusé à employer ce mode qui paraissait le plus simple ; il a épargné à la France l’aggravation d’embarras qui affectent toutes les transactions, et qui sont d’autant plus sensibles qu’ils frappent les échanges les plus modestes et les plus usuels. Il fallait écarter ce moyen et revenir à des combinaisons moins aventureuses.

L’intérêt industriel et commercial de l’Alsace-Lorraine et l’intérêt industriel de l’Allemagne du sud fournirent les principaux élémens de ces combinaisons. Il convient d’exposer ici la situation particulière que créait à l’Alsace et à l’Allemagne l’annexion du