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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/364

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dont leurs intentions et leur but les séparent profondément ; mais comment les justifier du reproche d’inconséquence et ne pas avouer que cette inconséquence va jusqu’à l’aveuglement ? Ce sont eux surtout qui se préoccupent de rendre l’impôt progressif applicable et inoffensif. La minorité d’une commission nommée dans le canton de Vaud, minorité appartenant au parti radical, adressait même un rapport au grand-conseil de ce canton pour faire établir l’impôt progressif, lié au système logarithmique de façon à en atténuer les excès possibles. « Le taux de l’impôt par mille, y lit-on, est le nombre de francs représentant la matière imposable ; ce logarithme est pris dans le système dont la base est mille. » En vérité, ne serait-il pas puéril d’introduire un tel principe au cœur de la législation, du moment qu’on ne veut l’y faire pénétrer qu’à dose homœopathique ? Si les effets ne s’en font pas sentir sur la diminution de la richesse qu’on juge excessive et pour ainsi dire pléthorique, à quoi bon, je vous prie, ce platonique hommage rendu à un principe si controversé ? Mais on a répondu plus à fond. On a objecté que c’est là une précaution si vaine qu’il suffit d’établir le logarithme sur cent pour que cette belle modération disparaisse. Quelle autre garantie a-t-elle que la parole des auteurs de ces tables, parole qui ne les enchaîne pas absolument, les circonstances étant variables, et qui ne lie en rien ceux qui peuvent venir après eux ? Avouons que les partisans de la progression jouent de malheur. Ils demandaient tout à l’heure du secours à la « psychologie, » et elle les abandonnait. Voici qu’ils appellent à leur aide l’arithmétique, et elle les trahit. C’est qu’il n’y a pas de moyen de se dérober à la fausseté d’un principe. Une raison décisive pèsera toujours de tout son poids dans la balance quand on compare la proportionnalité et la progression. Mettez dans le système des taxes le germe de la proportion, vous n’aurez jamais à craindre qu’il grandisse trop ; vous êtes certain à l’avance que le degré de justice réalisée et de bien produit sera en raison même de ses accroissemens. Mettez-y le germe de la progression, c’est tout le contraire ; vous avez sans cesse à en redouter la croissance exubérante et trop rapide. À l’ombre de la proportion, toutes les industries vivent, toutes les propriétés prospèrent, le travail se développe et opère quotidiennement sa transformation en capital. À l’ombre de la progression, l’industrie végète, la propriété tremble, le travail s’engourdit ; un degré de plus, et tout meurt. Il faut en finir une fois pour toutes avec ce principe sournois ou brutal, selon l’occurrence, tantôt revêtant les nuances les plus changeantes, tantôt accusant énergiquement sa couleur véritable, tantôt s’insinuant d’une manière cauteleuse, tantôt frappant comme la foudre et découronnant tout ce qui s’élève. Un tel impôt, c’est le bon plaisir