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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/378

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opposition entre les deux impôts, opposition qu’on prétend pousser jusqu’à l’incompatibilité, est démentie par les faits qui nous montrent les deux impôts presque partout côte à côte ? Que disent les partisans de cet impôt ? que la taxe sur l’avoir réalisé, sur le net, diffère profondément de celle qui s’établit sur le revenu aléatoire. Cette différence si décisive ne paraît pas avoir frappé les législateurs. On croirait qu’ils se sont dit qu’en fin de compte c’est toujours au revenu que vise l’impôt, et que la fixité du capital n’empêche pas l’incertitude des profits. Ils ont cru qu’il y avait dans ces impôts assez d’analogies pour les rapprocher, assez de différences toutefois pour les distinguer, et souvent ils les ont réunis pour en faire le complément ou le correctif l’un de l’autre au lieu d’en choisir un exclusivement. Le législateur s’est guidé uniquement par le désir de ne rien laisser échapper dans la matière imposable. Il a trouvé ici une base un peu plus certaine, là une base un peu plus étendue. Il a jugé également bon à taxer ce qui provenait de l’une et de l’autre manière d’asseoir l’impôt. Je ferai même observer qu’il semble l’avoir établi partout sur le capital avec une modération plus grande encore, ce qui n’indique pas une confiance illimitée dans la supériorité de cet impôt. Toujours il y a lieu de penser qu’il ne le croit tolérable que sous la réserve qu’il soit tout à fait minime. On a souvent cité l’exemple de la taxe des gardes à Genève. Eh bien ! cette taxe (ainsi nommée de ce qu’elle fut primitivement destinée à la solde des troupes du canton) frappe sur les valeurs de 5,000 à 50,000 francs dans la proportion de 1/2 pour 1,000, et sur les valeurs excédant le chiffre de 50,000 francs dans celle de 1 pour 1,000. Encore excepte-t-on des valeurs imposables les collections, les outils, les meubles meublans, etc. Qui ne voit qu’avec de pareils ménagemens, impossibles à observer dans le système radical de l’impôt unique ou prépondérant sur le capital, une taxe échappe à la plupart des inconvéniens qui la rendraient autrement insupportable ? Comment, avec un 1/2 pour 1,000 frappant sur une partie seulement de ce qui constitue le capital, s’attendrait-on à beaucoup de tromperies, de délations, de persécutions par suite ? On trouve, pour le plus grand nombre des taxes du même genre aux États-Unis, ces proportions modérées, et il en est ainsi le plus habituellement en Allemagne.

Et que penser d’une autre prétention des partisans de l’impôt sur le capital ? Ils invoquent en sa faveur l’avantage de la simplicité. Quelle prodigieuse illusion ! Qu’est-ce que ce mot de capital qui se prononce si vite et si aisément ? Qu’est-ce, sinon une expression abstraite qui couvre les différences les plus grandes ? On y place le capital foncier comme le capital mobilier et ses différentes espèces. Combien de diversités de nature ! Quelles inégalités de