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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 novembre 1871.

Si la politique était le royaume des fantaisies, bien des Français auraient assurément toujours le droit de prétendre à un rôle distingué dans ce royaume. Si tous les rêves de l’imagination ou de l’ambition, de l’esprit de parti ou de la vanité ne coûtaient si cher, si on n’avait appris qu’ils finissent quelquefois par d’effroyables catastrophes, on pourrait les laisser passer sans s’émouvoir beaucoup, en les considérant tout au plus comme l’exubérance d’une société qui a des loisirs. Malheureusement nous n’en sommes plus à ces loisirs, qui, même quand nous les avions, auraient pu être mieux employés ; nous n’avons plus de temps à perdre à nous donner en spectacle par nos disputes inutiles, par nos jeux d’esprit, par nos propagandes ambitieuses et chimériques. La politique est redevenue pour nous tout ce qu’on peut imaginer de plus sévère, de plus ingrat si l’on veut : c’est une œuvre à reprendre par le commencement. Il faut bien se dire en effet et se répéter sans cesse que la France a été ramenée par la main brutale de la mauvaise fortune à une sorte d’état rudimentaire où elle a tous les élémens de sa vie nationale à reconquérir, à raffermir par un travail de tous les instans, par des efforts obstinés de raison pratique et de prudente activité. Tout ce qui peut détourner du but en réveillant des questions oiseuses ou des passions meurtrières est une diversion coupable. Une heure perdue ne se retrouvera pas. Tant que nous n’en serons pas revenus à la régularité laborieuse, au sentiment simple et droit de la vérité, à tout ce qui est la condition nécessaire et fondamentale de notre reconstitution, nous n’aurons rien fait, nous serons des hommes fort malheureux sans doute de ce qui est arrivé, mais n’ayant rien appris et tout prêts à recommencer le cours des excentricités et des folies qui nous ont perdus. Voilà qui est clair comme le jour, et s’il y a justement une chose pénible au point où nous en sommes, c’est le spectacle de ce contraste,