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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/48

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condamnations prononcées l’avaient été au for ecclésiastique : Dans ce dernier cas, la présidence devait lui appartenir de droit, et Nestorius n’était pas indulgent. Lorsque ces choses furent mandées à Cyrille au milieu des joies de son succès ; il s’inquiéta pour lui-même. Il écrivit sans retard à l’empereur que, quels que fussent ces gens, indignes d’ailleurs de toute espèce d’intérêt, il récusait absolument Nestorius comme son ennemi personnel, mais qu’il acceptait d’avance le jugement des principaux évêques de l’Orient. C’était un embarras qui se présentait, et Théodose n’aimait pas les embarras ; il hésita, consulta et laissa dormir l’affaire.

Cependant la querelle théologique suivait son cours. Cyrille fit parvenir à l’empereur un mémoire dans lequel il relevait des passages de Nestorius, sans l’accuser nominativement toutefois, et suppliait l’empereur de mettre fin aux scandales déchaînés sur l’église de Constantinople. Il en envoya un autre en même temps aux vierges-reines, c’est-à-dire à Pulchérie et à ses sœurs, mémoire très différent du premier quant à la forme, pleine de citations savantes commentées par lui-même, et résumant ce qu’il fallait croire sur le dogme de l’incarnation. Ce second mémoire évidemment n’avait pas été composé dans le même sentiment que le premier ; et laissait percer une plus grande estime pour la science théologique et l’orthodoxie des personnes auxquelles il s’adressait. Et pourquoi aussi les avoir séparés comme s’il existait une dissidence entre l’empereur et sa sœur ? Qui l’avait dit à Cyrille ? S’il l’ignorait, pourquoi agissait-il comme s’il eût voulu la faire naître ? S’il le savait, était-ce le métier d’un prêtre d’espionner la famille de ses princes pour jeter la discorde entre eux ? Voilà ce que dit Théodose, en apprenant les deux envois de Cyrille, et dans sa colère il répétait à ceux qui l’entouraient que cet homme était un brouillon, un insolent, un méchant, qu’il le lui ferait bien sentir à lui-même. Nous verrons qu’en effet sa rancune fut tenace.

Nestorius triomphait donc au palais de Constantinople ; il fut moins heureux à Rome près de l’évêque de la ville éternelle. Nous avons dit comment il avait profité de l’envoi de ses discours au pape Célestin pour lui expliquer à sa façon les luttes qu’il soutenait à Constantinople et les doctrines qu’il y voulait faire prévaloir ; mais le pape Célestin, absorbé par les affaires d’Occident, n’avait eu le temps ni de répondre à la lettre ni d’examiner à fond une question si délicate. Il n’avait pris aucun parti, lorsqu’il reçut par le diacre Possidonius une lettre de Cyrille où le patriarche d’Alexandrie lui rendait compte à sa manière aussi de l’état de Constantinople, dont il faisait un tableau lamentable. « Les peuples, disait-il, ne s’y assemblent plus avec leur évêque, sinon quelques gens sans conséquence ou des flatteurs ; presque tous les monastères et leurs