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quand on se fie à notre pays. La France assurément a tout ce qu’il faut pour reprendre sa grande et légitime action dans le monde ; elle a les ressources naturelles, les élémens de richesse, l’aptitude au travail, l’intelligence, la bonne volonté. Que nous manque-t-il donc pour que tout cela ne reste pas stérile ? Il faut qu’on se décide une bonne fois à laisser de côté une multitude de questions inutiles ou dangereuses pour s’attacher aux choses essentielles, aux véritables problèmes de notre réorganisation, et que le gouvernement lui-même donne le signal, qu’il se mette à la tête de ce mouvement, bien autrement fécond que toutes les agitations de partis. S’il y a des anxiétés et des incertitudes dont on ne peut pas trop s’étonner, le pays dans son ensemble, il faut le reconnaître, ne demande pas mieux que d’être éclairé et conduit, de recevoir une impulsion bienfaisante, de voir un certain ordre rentrer dans toutes les parties de son administration.

Le gouvernement actuel a sans doute beaucoup fait au milieu d’innombrables et redoutables difficultés, et il n’est point certainement au bout de son œuvre. Ce qu’il a fait avec habileté est le commencement de tout ce qui lui reste à faire. L’essentiel pour lui est de ne point laisser l’indécision se propager, les passions violentes reprendre confiance, les bonnes volontés patriotiques se décourager ou s’égarer, c’est de ramener avec une fermeté patiente, mais incessante, la régularité dans cette confusion où toutes les fantaisies se donnent libre carrière, très souvent aux dépens de l’état lui-même, qui est toujours le souffre-douleur silencieux, comme le disait un jour spirituellement M. Thiers. L’essentiel pour le gouvernement est de faire sentir sa main intelligente, sa clairvoyante activité dans les mesures qu’il prend aussi bien que dans le choix des hommes, et même au besoin de ne pas attacher un trop grand prix à de petites combinaisons qui ne sont pas toujours une force en politique. Sans doute les révolutions mettent en mouvement bien des ambitions et des vanités, elles créent des capacités aussi disponibles qu’embarrassantes. Nous le savons bien, il y a des momens où tout arrive. On voit un homme journaliste de second ordre, on le retrouve dans la première préfecture de France, et, comme il ne peut pas rester préfet, le voilà en train, dit-on, de passer diplomate, ou bien c’est un avocat, homme d’esprit, qui est propre à tout ; il est ministre des finances au besoin, ministre de l’intérieur si l’on veut, il aurait même été gouverneur de la Banque de France, si les circonstances l’avaient voulu, et, de métamorphose en métamorphose, le voilà reparaissant sous l’habit brodé de représentant de la France à Bruxelles ! Tout cela est fort bien pour la galerie, qui s’en amuse.

Rien ne prouve mieux que les révolutions servent toujours à quelque chose ou à quelqu’un. Elles créent souvent aussi des embarras aux gouvernemens sérieux qui héritent de toutes ces capacités à placer et qui